René Guy Cadou (1920-1951) Oeuvres et Archives

 

 



Mise à jour: fin juillet 2022.

Une découverte en travaillant sur les archives des Cahiers Léon Trotsky. Cette revue a existé entre 1979 et 2003 sous la direction de l’historien du mouvement ouvrier Pierre Broué (1926-2005) et le groupe de militants-historiens la composant a procédé à l’ouverture des archives confiées par Trotsky à la bibliothèque de l’université de Harvard en 1980. Plusieurs numéros de cette revue ont été consacrés à la littérature et à l’art, dans la continuité de la méthode de Trotsky dans « Littérature et Révolution », ouvrage écrit en 1924 mais qui ne trouvera sa traduction française qu’en 1964. Dans le numéro 47 de janvier 1992, on y apprend sous la signature de Jean Germain, qui fut poète, essayiste et militant révolutionnaire dans sa jeunesse que Jean Rousselot, fraîchement sorti du lycée, participe à la création de la revue « Jeunesse » à Bordeaux en 1933, alors que les nazis viennent de prendre le pouvoir en Allemagne. Jean Germain, lors d’un épisode professionnel parisien se lie aux milieux révolutionnaires à Paris et côtoit Maurice Parijanine, écrivain militant et premier traducteur sérieux des œuvres de Trotsky en langue française. Le célèbre exilé vient d’arriver secrètement à Saint-Palais dans la région de Royan. Sollicité par Maurice Parijanine pour qu’il reçoive ces jeunes gens qui font leurs premières armes de poètes en herbe révoltés et militants, il accepte de les recevoir en limitant la délégation pour des raisons de sécurité à deux participants. Plus tard, lorsque Jacques Duclos et le PCF déclencheront une campagne hystérique contre Trotsky, cette fois installé provisoirement à Barbizon, c’est Jean Rousselot qui rédige l’éditorial condamnant l’attitude du gouvernement du cartel des gauches qui cède aux pressions du PCF et veut l’extradition de cet exilé bien encombrant

Lire l'article en complément du livre sur Cadou "Une histoire de fleur rouge entre les hommes depuis des siècles"...


Mise à jour: juillet 2022.

Dans les archives:

Une page consacrée par écrivain, poète, essayiste, artiste

Une contribution de Robert Duguet à propos de Jean Lavoué, son intervention au colloque de 2022 ainsi que sur son livre "Voix de Bretagne, le Chant des pauvres":

 


 

 

 

Mise à jour juin 2022

  • Colloque de 2022 à Nantes (1er et 2 avril) : 14 articles (manquent 3 articles qui ne me sont pas parvenus : avis bienveillant aux retardataires !)

  • Création d’une page Eric Hollande (chanteur, musicien et interprète de Cadou) établissant une liste de thèmes renvoyant aux études ou articles présents sur le site, doublée d’une liste des études universitaires (thèses et mémoires) consacrés à Cadou. L’étude d’Eric m’a conduit à enrichir le fond d’un certain nombre d’études ou articles qui n’étaient pas numérisés sur le site à ce jour. Toutefois le travail d’Eric renvoie aussi au colloque de 1981 qui était déjà entièrement numérisé.

J’ai ajouté :

  • Les Cahiers Bleus, numéro consacré à Cadou 1981-1982 : 2 articles
  • Revue 303 : 10 articles
  • Colloque de 1998 à Nantes : « René Guy Cadou, un poète dans le siècle » 12 articles

(liens dans le menu Archives)

 

 

 

 


 

Et le ciel m’est rendu, poèmes inédits de René Guy Cadou (1).

 

Publiés le 3 mars 2022 aux Editions Bruno Doucey : https://www.editions-brunodoucey.com/

 


 

L’ombre étincelante de René Guy Cadou nous parvient, par ces jours angoissants, où la guerre menace à nouveau l’avenir même de la civilisation humaine.

L’Histoire bégaie ?

Lors des terribles bombardements de l’aviation alliée sur Nantes en septembre 1943, le poète est pris sous les bombes. Pendant une semaine, ses amis perdirent sa trace, redoutant qu’il fît partie des victimes. Dans les huit jours qui ont précédé la libération de Nantes, alors qu’on vivait dans la terreur des obus et de la DCA, il écrit les poèmes de « Pleine Poitrine », dans lesquels s’impose un chant d’amitié et de liberté par la fraternité. Relisons cet extrait de « Liberté » (2)

« …Oiseau la plume légère
Seins jaillis odeur de pain
Blanche vague de la main
A tâtons dans la lumière

La plus pauvre du village
La plus belle sous les coups
Toi qui fais chanter les fous
Et qui fais pleurer les sages

Liberté je t’ai nommée
Pour que nous vivions ensemble
Tu me vêts et tu ressembles
Au portrait de mon aimée. »

Voici que le 3 mars 2022, l’éditeur poète Bruno Doucey fait paraître des inédits de René Guy Cadou sous le titre : « Et le ciel m’est rendu », au moment où un chef d’Etat, qui ne démérite pas de la croix gammée, fait pleuvoir ses bombes meurtrières sur l’Ukraine. Les peuples du monde arriveront-ils par leur opposition résolue à enrayer cette course à l’abime ? Ainsi nous parvient encore le chant souverain de René Guy Cadou :

« Camarade
Je ne suis pas tombé de la dernière pluie
Ni de la dernière compagnie de feuilles mortes
Je ne suis pas de ceux qui frappent à la porte
D'une maison perdue
Sans savoir qu'il y a là deux épaules fatiguées
De porter jour et nuit le fardeau de la terre… » (3)

Et toujours le visage rayonnant d’Hélène, l’aimée, la compagne, la protectrice. La force d’aimer malgré tout cette part de lumière dans l’espèce humaine, la femme toujours médiatrice vers le règne végétal et d’un Dieu pas très catholique qui n’est pas séparable du royaume concret où nous existons… Toujours Cadou avec ses « intuitions panthéïstes » :

« Plus belle que les mains tu fermes les villages
Tes yeux sont dans le ciel de tous les attelages
Une robe en tombant éblouit les jardins
On te salue dans la rosée aux beaux matins
Du monde À travers le sel blanc des avrils
Dans l'oiseau qui découd le soleil fil à fil
Dans l'églantier qui eut un agneau pour la terre… »(4)

Au-delà des « chutes de vaisselles surréalistes », le chant de Cadou revient toujours à la source, ainsi au détour d’un poème grandit l’ombre tutélaire :

« Mais tu as vu s'ouvrir les fleurs et les oranges
Les fouets charmants siffler dans l'air comme des anges
Le phosphore éblouir un instant les charniers
Les statues se couvrir de moisissures étranges

Et tu as fait souvent l'amour Apollinaire
Pour tous ceux qui voulaient de toi tu as souffert
Pour ceux qui apprendront de toi qu’il est une aube
Tu as jeté ta vie sur le grand tapis vert. » (5)

Cadou avait une grande exigence par rapport à ce qu’il écrivait. Dans la postface du recueil, François Jacques écrit :

« Un texte non retenu pour la publication par son auteur peut signifier plusieurs choses : soit une « mise en réserve » pour une publication ultérieure, soit une certaine insatisfaction de l'auteur qui se réserve la possibilité de revenir ultérieurement sur son écriture. Mais comme René Guy Cadou n'a jamais mentionné « Ne pas publier », ou n'a pas détruit ces textes, nous nous autorisons à les donner à lire, comme un complément utile à la connaissance que nous avons de son écriture poétique. »

Nous, les amoureux de Cadou, qui avons été nourri dès les années 1967 par « Hélène ou le Règne végétal », nous pourrions peut-être estimer que l’auteur éprouvait à l’égard de ces textes mis en réserve une « certaine insatisfaction ». C’est tout à fait probable. L’essentiel est que le lectorat des éditions Doucey les apprécie, qu’ils soient une passerelle pour découvrir ou redécouvrir « Poésie la vie entière », cette œuvre lyrique majeure du XXème siècle.

« Poésie la vie entière », mériterait aujourd’hui une réédition avec un appareil critique qui n’a jamais été tentée.

 


 

Notes :

(1)-Editions Bruno Doucey, https://www.editions-brunodoucey.com/
(2)-Liberté couleur des feuilles, Pleine Poitrine.
(3)-Le poème au camarade des champs lointains, Et le ciel m’est rendu.
(4)-Avril du monde, Ibidem.
(5)-L’aventurier. Ibidem.

 


 

René Guy Cadou « est à tout le monde »(1)

Il est entré dans le domaine public le 21 mars 2021.

 

Le 21 mars 2021 est une date particulière pour les poètes et les amateurs de poésie. Elle rappelle une voix discrète, comme un « bruissement d’eau claire sur les cailloux » (2), mais qui peut cependant s’emparer de vous sans retour possible.

Dans la nuit du 20 au 21 mars 1951, le poète René Guy Cadou disparaissait à Louisfert, village de Loire Atlantique, où il exerçait la profession d’instituteur. Une matinée qui ne ressemblait pourtant pas à un avant-printemps, mais à la tristesse d’une ciel maussade et plombé de Bretagne. La nouvelle circulait de bouche à oreille pour les habitants : « monsieur Cadou est mort ». L’homme s’en était allé, le combat d’Hélène, sa femme et sa muse, des amis poètes et écrivains commençait pour que cette œuvre lyrique de premier plan trouve sa place dans le panthéon de nos lettres. Ce qui est loin encore aujourd'hui d’être acquis…

1941, c’est la guerre. Un groupe de jeunes gens, épris de poésie et d’art, se rassemblent sur les rives du fleuve, à Rochefort-sur-Loire : Luc Bérimont, Marcel Béalu, Jean Bouhier, Jean Rousselot, René Guy Cadou, Lucien Becker pour les fondateurs et beaucoup d’autres, qui publieront dans les Cahiers de Rochefort jusqu’à la fin du conflit mondial.  Ils proclament que la poésie est en danger. Ils refusent le modèle littéraire imposé par le régime de Vichy. Jean Rousselot qui était dans le groupe, à mon sens, celui qui avait l’idée la plus exacte de la situation de cette école littéraire qui refusait d’en être une, écrira (3) :

« En 1941, les livres scolaires étaient signés Péguy, Claudel, Jeanne d'Arc, Pétain, Gobineau, Arno Breker à qui le père Maillol n'avait pas honte de donner sa caution, Abel Bonnard, à qui Cocteau demandait de ne pas oublier Renaud et Armide dans les cartons de la Comédie-Française, Marcel Jouhandeau qui graissait ses bottines pour aller en Allemagne s'extasier sur « un grand peuple qui » et qui aurait l'audace, après la guerre, d'adhérer à la société des Amis de Max Jacob, assassiné par ce même grand peuple. J'en passe et des meilleurs. Nous étions tous, naturellement, les ennemis de ces gens-là. Mais nous étions tous également contre certaine mystique nationale-bondieusarde qui se cristallisait alors sur le nom de Patrice de la Tour du Pin, béatifié de son vivant (et chacun peut voir aujourd'hui ce qu'il en reste) et contre certaine poésie « de résistance » que son excessive prudence allégorique rendait inoffensive et qui, par sa forme, faisait retomber la poésie française dans l'ornière bien-pensante et bien-diseuse d'où Apollinaire, Cendrars, Max Jacob, Reverdy, les dadaïstes et les surréalistes l'avaient arrachée. Les longs poèmes compacts et obscurs de Pierre Emmanuel, qui tiraient un peu grossement la ficelle biblique et apocalyptique, n'étaient pas non plus sans nous casser les pieds. Il nous agaçait enfin d'apprendre que, dans les cafés avoisinant la N.R.F., de farouches poètes résistants trinquaient avec Drieu la Rochelle. »

En zone sud Louis Aragon et Pierre Seghers engagent la poésie dans le roman national. Le groupe de Rochefort refuse tout Manifeste qui engagerait la poésie sur le plan idéologique et politique. Elle doit garder toute sa liberté de traduire par les moyens qui sont les siens le rapport émotionnel de l’homme au monde ; ainsi Rochefort n’adhèrera pas à la poésie nationale, version Aragon… Si Cadou, comme beaucoup d’intellectuels, rejoindra le Parti Communiste à la Libération, il refusera toujours le modèle proposé par ceux qui allaient diriger le Comité National des Ecrivains.

Nantes et sa région paient alors très cher le prix du refus de l’oppression nazie et vichyste. Cadou est alors un jeune poète situé entre les influences de Max Jacob et de Pierre Reverdy. Max cherchant d’ailleurs surtout à le mettre en face de son propre démon, tandis que dans ses premiers textes Cadou est tenté par le ton impersonnel de Reverdy. L’Histoire va profondément modifier son cheminement en poésie : le 22 octobre 1941, alors qu’il exerce comme instituteur suppléant, il quitte en vélo Chateaubriant pour revenir à Saint-Aubin-des-Châteaux. Il croise sur la route les camions qui transportent les 27 otages vers la sablière de Chateaubriant où ils seront fusillés quelques instants plus tard (Lire: Les Fusillés de Chateaubriant). Il y aura l’épisode des fusillés du maquis de Saffré où il échappe à la mort : « Ich bin ein Dichter » (je suis un poète) répond-il à un officier de la Wehrmacht qui vient de l’appréhender. Ce dernier l’enjoint de se sauver rapidement. Les poèmes de la fin de la guerre, regroupés sous le titre « Pleine Poitrine », libèrent une poésie de la fraternité, de l’amitié, de la liberté végétale et du refus de l’oppression. Cadou s’écarte des rives refroidies de Reverdy. Le poète a trouvé sa voix. 


"...Mais ce soir où je suis assis près de ma femme
Dans une maison d'école comme autrefois
Je ne sais rien que toi Je t'aime comme on aime
Sa vie dans la chaleur d'un regard d'avant soi."

Lire: La Saison de Sainte Reine


C’est dans cette maison d’école de Louisfert, que Cadou et sa femme Hélène s’installent à la rentrée scolaire de 1945. Le poète va mener la vie simple de l’instituteur de campagne, dans ces années d’après-guerre difficiles. Tous les soirs après la classe, c’est le même cérémonial : il raccroche la blouse grise et monte dans la chambre d’écriture au premier étage, face « à la grande ruée des terres » (Lire: le Chant de Solitude). La douce présence d’Hélène lui inspirera des poèmes d’amour qui devraient compter parmi les plus beaux de la littérature de langue française. Les premiers signes d’une maladie qui l’emportera en mars 1951 apparaitront à la fin de 1946. Ferveur de la création, Cadou écrit avec obstination comme s’il pressentait qu’il ne fera « …jamais que quelques pas sur cette terre » (Lire: La Barrière de l'Octroi). Si Cadou est un grand poète de l’amour, de la fraternité, de l’amitié, du règne végétal, il faut y ajouter le thème de la mort.(Lire: Les Biens de ce Monde)

Cette œuvre entre aujourd’hui dans le domaine public : passionné par cette poésie, mon travail littéraire et aussi musical sur elle – puisque je mets en musique Cadou depuis 1967 – m’a conduit durant ces dernières années à numériser systématiquement l’œuvre et ce qui a pu être écrit sur le poète. L’utilisation de l’outil informatique peut-il donner à Cadou une surface et une reconnaissance plus large que l’édition imprimée, qui est tributaire des modes et des lois du marché. Rappelons qu’à la Libération Cadou déclarait que celui qui n’était ni rallié aux positions esthétiques du PCF et d’Aragon, ni dans le sein de l’Eglise catholique, n’avait aucune chance d’être publié. Rappelons que l’éditeur Gallimard a refusé après la guerre d’éditer Hélène ou le Règne végétal, alors qu’il s’y était engagé. Qu’il a fallu les interventions obstinée de Jean Rousselot et de Luc Bérimont en direction de Pierre Seghers pour que ce dernier accepte de publier Les Biens de ce Monde, alors que le poète n’avait plus que quelques semaines à vivre. Ainsi vont les modes littéraires et les implications de la politique officielle ou de la religion contre la liberté de création: ce n’est pas autre chose qu’une gendarmerie des consciences. Toutefois Pierre Seghers, après les années du roman national, rectifiera le tir et fera plusieurs éditions de la quasi totalité de l'oeuvre poétique (Poésie la Vie entière)


Ce site offre donc à ceux qui le consulteront :


Note :

(1)Le poète a écrit un livre de souvenirs d’enfance intitulé, Mon Enfance est à tout le Monde.



 

Parce que c'est entre les hommes
Parce que c'est une question de fleurs rouges
Entre eux depuis des siècles
Parce que la vie est belle et désirable
Comme un puits dans le ciel...

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