Le Cœur définitif, poèmes. Préface de Pierre Mac Orlan. P. Seghers.

 

Le Coeur définitif - Ma Vie en Jeu

Sommaire


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Titre

Lettre a Michel Manoll
Noël
survivante (La)
Heure d'été
Entrée de village
Chanson populaire
enfant du silence (L')
Image de la femme nue
Octobre
Déclaration d'amour
Malgré tout
fond de la pensée (Le)
Tu es dans une chambre d'hôpital
Poésie la vie entière
Avec l'amour
Plus juste que ma vie
Je prétends à la vie
Ma Vie en Jeu
mime (Le)
printemps mène l'aventure (Le)
joueur de flûte (Le)
Si mes yeux si mes mains
laboureur et ses enfants (Le)
Présence de l'amour
Lettre a Hélène
Air triste et connu

 

 

 

 

 

 

Lettre à Michel Manoll

 

Je ne veux plus croire un seul mot de ta lettre

Qui m'a coûté assez de larmes ce matin

Et si ton cœur s'arrête encore c'est pour permettre

Au temps de te rejoindre au détour du chemin

Bouillonnement du coeur ô l'impatience

D'un homme sur tous les autres en avance

Compagnons de haut bord Thérèse Hélène et moi

A ton cou la bouée de sauvetage de nos bras

Choque ton coeur contre le nôtre

Ecoute-le tinter

Ecoute les sons de cloches de l'amitié

Pas la moindre fêlure

N'aie plus peur de la nuit

N'aie plus peur de ton cœur

Très loin nous sommes là

Et ma main sur ta main tout mon sang passe en toi

Le soleil va paraître

Déjà les souvenirs entrent par la fenêtre

Place Bretagne et Jack-Tina

Amis les Anges

Les Lilas De la mer La Rustique

Les paroles sur la même musique

La poésie sur nos genoux fille publique

O frère aimé des jours mauvais

Solitaire de Saint-Calais

J'entends ton coeur dans ma poitrine

Au fond du miroir je me vois

Et tu as toujours bonne mine.

 

 


 

 

 

 

Noël

 

Tous les hôtels sont fermés à Bethléem

Où dormira celle que j'aime

 

Un boeuf marche seul dans la rue

Quand il lève les yeux les étoiles remuent

Dans la direction de l'étable

Tendent leurs cornes charitables

 

Le chemin monte encore

Et toujours de travers

Il n'y a pas de réverbère

Mais la faible clarté du sang qui nous éclaire

 

Dieu-parent donnez-nous l'abri le 'lit de paille

Ma femme sème ses entrailles

Et nous sommes loin de chez nous

 

La porte s'ouvre d'un seul coup

L'enfant glisse entre les genoux

 

O neige annonce la nouvelle

Aux amis aux bergers à celles

Qui depuis si longtemps ont froid

Jésus vient de naître les rois

Vont se mirer dans ses prunelles

 

Le jour se lève

Et l'on entend l'ange qui court à travers champs.

 


 

 

 

 

 

La survivante

 

Toi

Comme il faudrait toutes les sources

Ma survivante des forêts

Toi dans le ciel avec les ourses

Qui perdent lentement leur lait

Toi que je nomme en ma mémoire

Carpe de lune pour eaux noires

Sais-tu bien que je pleure encor

 

Quatre murs blancs c’est un décor

Quatre murs blancs sans une image

Du Dieu qui dès l'apprentissage

Fit un chef-d'oeuvre de son corps

 

Mais par bonheur une fenêtre

Grande ouverte sur la vallée

Un facteur va dans les allées

Du ciel en soulevant tes lettres

 

Lettres ou fleurs je ne sais pas

L'encre est bleue comme les lilas

Abeilles déchiffrez la neige

Colombe emporte ces mots-là

 

Et toi qui m'écris sur la route

Sur le pupitre des prairies

Aide-moi à terrasser toutes

Les roses noires de ma vie.

 


 

 

 

 

Heures d'été

 

Toujours le ciel

On ne fait rien d'essentiel

On reste là des heures

A écouter le clapotis des vagues sur son cour

Et puis des enfants passent

Quelqu'un remue dans la maison d'en face

Très loin de l'autre côté de la mer

Ici c'est le même air

Qui continue

J'ai envie de sortir tête nue

Au soleil

Pour voir comment ça fait dans les yeux

Les abeilles

Ton portrait sur la table

On entend des oiseaux chanter dans les étables

Des mains se disputer les graines sous le toit

Des coquelicots qui aboient

Je ferme les paupières

Trop tard

Je suis déjà dans la haute lumière

De tes joues

Tout ce qui fait la nuit ne peut rien contre nous.

 


 

 

 

 

Chanson populaire

 

Il y a des villages pleins de marronniers

Qu'on traverse de nuit

Des auberges au vin lourd

Des fleurs

Des femmes

Des fleurs belles comme des femmes

 

Sur le bord du chemin

Un homme pleure

On en voit de toutes les couleurs

Dans ce monde

 

Un vieux chagrin qui fait sa ronde

Sous les épaules

Mais toujours toi

La page blanche sur le toit

Le mur

Une églantine

Un peu de foin dans la poitrine

Rendez-vous avec Dieu

En un château perdu à des sept lieues

De la terre

Ma cellule de monastère

 

Chaque jour te donner

Ma soif et mon visage

Ce regard qui me vient

De saisons disparues.

 


 

 

 

 

Entrée de village

 

La croix peinte à la chaux

Et quelques roses rouges

Dans le soleil le toit qui bouge

 

Une femme en cheveux se lève

Offre le pain

Donne son coeur de l'autre main

Un grand vol de lumière

Et puis le mouvement végétal des paupières

 

Sous le chaume on entend chanter l'âne et le boeuf

L'enfant rêve à des habits neufs

Pour une communion prochaine

L'horloge tire sur sa chaîne

 

L'homme est dans le cellier plein d'ombre

Et de vin frais

Il parle

Il a des dialogues tout faits

Avec les choses de la terre

La flamme monte dans son verre

 

Et là-bas vers midi

A l'autre bout du champ

Dieu renverse un mulon de foin

En se penchant.

 


 

 

 

 

L'enfant du silence

 

Dernier enfant du peuple affligeant des sarcelles

Je naquis sous le chaume On me fixa des ailes

Aux épaules et dans le ciel je voyageai

Sans crainte de mouiller ma robe d'étincelles

Dont les volants gonflaient la robe des vergers

 

Et puis l'on me donna un grand feu de bruyère

En me disant Ainsi doit être 1a lumière

De ton cœur Garde-le des vents d'ouest et des pluies

De novembre Qu'il soit la fleur et la première

Etoile dans la nuit de l'homme et l'autre nuit

 

Alors du fond des eaux jaillit un beau visage

Celui qui serait mien vers la fin de mon âge

Largement éclairé par des milliers d'oiseaux

Je le vis s'envoler au-dessus des villages

La chevelure prise encor dans les roseaux

Enveloppé dans la fumée de ses joues pâles

Il allait découvrant la candeur végétale

Et la palpitation confuse des ramiers

Emportant pour l'hiver les aurores natales

Dans ses yeux Entre ses lèvres un brin d'osier

 

Comment te retrouver visage lui criai-je

Quand déjà tu rejoins dans leurs tristes collèges

Les anges possédés par le démon du soir

Quand au lieu de rouler sur les pentes de neige

Tu t'engouffres au bruit du monde dans le noir

Patience dit l'oiseau qui montait prends patience

 

Tu me retrouveras bel enfant de silence

A l'heure où le soleil descendra sur tes mains

Mais tu dois vivre encor beaucoup d'autres enfances

Et les années d'apprentissage de la faim.

 


 

 

 

 

Image de la femme nue

 

La femme prise dans ses feuilles

Ne bouge pas plus qu'un oiseau

Elle écoute son sang qui hante

Le ciel limpide la forêt

 

Lentement dans sa poitrine

Se défont des liens obscurs

Elle est debout dans son poids d'herbe

Elle tient à la main des fleurs

 

Ses tristes yeux ne pensent guère

A la beauté qui est en eux

Mais davantage au merveilleux

Des choses rondes de la terre

 

Elle regarde sans y croire

Les animaux qui viennent boire

Marchent un peu et puis s'essuient

Les lèvres fraîches sous les saules

 

Elle est vêtue de ses épaules.

 


 

 

 

 

Octobre

 

Pays lié aux oiseaux

A la chevelure des femmes

A l'épaule de la plus belle

Je suis debout sur tes pianos jonchés de feuilles mortes

Au milieu de ma vie jonchée aussi de feuilles mortes

Je suis entouré de complices

Je ne cherche pas à correspondre j'appréhende

Je suis parmi les arbres comme un chef de bande

Confiance donc

Quand je prépare un Octobre éternel

Une immense fumée qui monte

Un édifice impérissable

Je vous donnerai bien davantage que le soleil

Je vous compromets à jamais avec tous les chevaux

Je vous grandis d'un coup avec tous les villages

Je vous blanchis de mes mains lavandières

Je vous rends semblable à moi par mon amour

Pour vous encore je dispose

Des solitudes à venir

Je puis vous mettre au sommet de la pluie

Comme aux plus hautes notes d'une lyre

Confiance donc

Ou je m'installe en vous

Comme un oiseau dans la nacelle du pommier

Comme une boule de gui lumineuse

Comme un liseron frémissant

Inséparable de vous

Je serai malgré vous

La solitude.

 


 

 

 

 

Déclaration d'amour

 

Je t'aime

Je te tiens à mon poing comme un oiseau

Je te promène dans la rue avec les femmes

Je puis te rouer de coups et t'embrasser

O poésie

En même temps

T'épouser à chaque heure du jour

Tu es une belle figure épouvantable

Une grande flamme véhémente

Comme un pays d'automne démâté

Tu es ceinte de fouets sanglants et de fumées

Je ne sais pas si tu t'émeus

Je te possède

Je te salis de mon amour et de mes larmes

Je te grandis je te vénère je t'abîme

Comme un fruit patiemment recouvert par la neige.

 


 

 

 

 

Malgré tout

 

Traîne-moi avec des chaînes sur les pierres

Enfonce les torrents et les mers dans ma gorge

Comme un coquelicot mets ton fer sur ma gorge

Fais chanter mes genoux dans l'étau des murailles

Blanchis mes os comme un chien du désert

Porte mon crâne à deux mains lampe brisée

Allume-moi torche vivante aux carrefours

Crucifie-moi à la voilure des navires

Aux fenêtres des maisons en partance

O flamme lèche-moi comme une poutre basse

Ecrase-moi de tout ton poids triste saison

Recouvre-moi de feuilles mortes

Je ne parlerai pas

Je ne sais pas ce que tu veux me faire dire

Je suis innocent de tous mes crimes

Je suis fermé à la parole

Je suis un grand silence qui bouge

Je n'ai pas à te rendre compte de mon amour.

 


 

 

 

 

Le fond de la pensée

 

Sur les cailloux

Au fil du sang

L'herbe le brin de paille

Et la main qui descend

Toute la vie

Au bord des sombres pâturages

Les yeux et l'horizon qui manquent d'éclairage

Le feuillet où j'inscris l'avenir de travers

Et si loin

Les hautes cheminées de la mer

Ce qui était mon bien ma raison de comprendre

Toutes mes fleurs

Tous mes oiseaux qu'on veut me prendre

Et jusqu'à cet amour tendrement obstiné

Amour de mon amour

Et des bêtes de lait

Toute la vie pour la plus folle

Pour une belle pour une seule parole.

 


 

 

 

 

Tu es dans une chambre d'hôpital...

 

Tu es dans une chambre d'hôpital

Tu as le coeur tout entouré de linges

Tu n'as pas à te plaindre de l'amour

Et cependant tu souffres

Tu es penchée au-dessus d'une rose

Comme au-dessus d'un gouffre

Tu tiens comme un pigeon

Mes deux mains dans les tiennes

Tu as le désir de marcher

A travers les campagnes

Tu es parmi les chevaux qui broutent

Les étoiles de la montagne

Tu es au bord d'un fleuve

Et tout mon corps coule à tes pieds

Je t'aime et te recrée

A chaque instant du jour.

 


 

 

 

 

Poésie la vie entière

 

Avec l'amour

Avec le ciel

Avec le jour

Et tous les souvenirs démêlés un à un

Avec le plus faible qui t'aime

Avec la plus belle entre toutes

Qui te regarde et s'humilie

Avec les prisons qui s'éclairent

Lorsque tu passes sous les murs

Avec l'oiseau

Avec les bêtes

Qui tremblent de te perdre un jour

Poésie la vie entière

Je te caresse

Aux yeux de tous.

 


 

 

 

 

Avec l'amour

 

N'entrez pas en ce moment

Ne venez pas me rejoindre à ce tournant

De ma vie

Laissez plutôt les chiens hurler sous la fenêtre

Et le vent s'approcher des murs

Je commence un poème qui ne doit pas s'achever

Il est parti du monde avec les feuilles

Il a tourné dans le soleil et dans ma main

Il est monté avec l'oiseau jusqu'à mes lèvres

Mais la beauté ne suffit plus

 

Laissez-moi seul avec l'amour

Je n'ai besoin pour vous aimer

Que d'un bruit de pas dans la rue

Et loin de vous je puis écrire

J'aime tous ceux qui font l'amour

 

Car je suis capable d'aller

De vous à moi

Sans déranger

La solitude et la parole.

 


 

 

 

 

Je prétends à la vie

 

Je prétends à la vie

Et ne supporte pas

Qu'on me tienne enfermé

Dans les pages d'un livre

 

Hors des mots seulement

Je palpite et je suis

Pareil à cette image

Inconnue de moi-même

 

Si quelqu'un veut toucher

Mon coeur qu'il s'agenouille

Et creuse lentement

Le mur chaud de la terre

 

Qu'il soulève en ses mains

La glaise et le terreau

L'humus qui garde encor

Une odeur de châtaigne

 

Qu'il aille plus profond

Dans la nuit des racines

Là où le feu commence

A mordiller le grain

 

Qu'il me saisisse enfin

Alors que je dérive

Inlassablement nu

Vers un pays certain.

 


 

 

 

 

Plus juste que ma vie

 

Plus juste que ma vie peut-être

Et de toutes façons plus sûre

Ici dans la brume partout

Où mon amour ne peut plus être

 

Un signe obscur dans la vallée

Une femme en cheveux qui boit

Le sang de ses fils goutte à goutte

 

Ne plus rien savoir mais savoir

Que tu es là que je t'emporte

Ma belle mort irremplaçable

 

Le dernier quart d'heure où je vis

Est celui-là où tu soupèses

Ma poussière mes tristes mains

 

Tu ne sembles pas satisfaite.

 


 

 

 

 

Ma vie en jeu

 

Avant tout

Prenez-moi comme je suis

Prenez-moi pour vous aider

Dans vos tâches quotidiennes

 

Les yeux des bêtes de montagne

Le grand vent l'oiseau chanteur

Et l'apparence la plus calme

Me retiennent loin de vous

 

Mais je vous aime en vérité

Pour le plaisir de vous aimer

Au plus sombre de votre amour

Pour le plaisir de vous surprendre

Et quand ma vie ne suffit plus

A me faire entendre la vie

Je me réclame de vous tous.

 


 

 

 

 

Le mime

 

Il n'y avait qu'un haut plafond dans cette chambre

Où personne avant lui n'était jamais entré

Et c'était tout à fait dans les derniers étages

D'une vie menacée par les trains de banlieue

Une autre vie déserte encor mais que lui-même

S'efforçait d'éveiller doucement sur sa joue

 

Seules ses mains parlaient qui suivaient le visage

Jusqu'au fond du miroir inquiet de la beauté

Et composant pour lui une danse légère

L'éclairaient lui donnaient son profil enchanté

 

Il n'y avait qu'un haut plafond dans cette chambre

Mais penché sous la lampe oblique de ses mains

Cet homme remuait un visage d'eau douce

Qui n'était déjà plus uniquement le sien

Un visage éloquent comme une porte ouverte

 

Et l'ombre pouvait bien dérober ses épaules

Le distraire à jamais d'entre ses deux genoux

Faire tant qu'il perdit la science végétale

Qui portait dans son coeur un bruit lourd de cailloux

Heureux de se savoir vivant dans un visage

Où la douleur a mis sa forme préférée

Cet homme se prenait maintenant à sourire

A son propre visage et à sa vérité.

 


 

 

 

 

Le printemps mène l'aventure

 

Depuis le temps que je navigue entre les souches

Tout près du Feu, sous les paupières du charbon

Depuis le temps que le grillon creuse ma bouche

Et chante là, dans le tunnel de mes poumons

 

Le ciel me touche enfin comme une joue dormante

Je me délivre de moi-même et je revois

Ma belle vie avec ses voiles murmurantes

Et la main du soleil qui tourne sur le toit

 

Me voici parmi vous chevaux les plus dociles

Je m'endors entre vos jambes et je vous fuis

Pour des pays de hautes vagues et des îles

Perdues comme un visage d'ange au fond d'un puits

 

Car je porte avec moi mon coeur, triste lanterne,

Insatisfait de sa lumière et voulant voir

Par-delà l'étendue trembleuse des luzernes

La mer qui va et vient sur ses grands boulevards

 

Mon printemps est dans l'air du large, dans l'écume

Blanche ainsi qu'un enfant qui n'a pas su grandir

Et je marche sur l'eau, calme comme un qui fume

A sa fenêtre en Juin avant de s'endormir.

 


 

 

 

 

Le joueur de flute

 

Un cheval est mort dans la rue

Tout au fond de son oeil une étoile remue

Et tandis que sonnent les heures

Dans d'autres rues

Il y a d'autres chevaux qui meurent

Des chevaux comme des enfants

Et aussi des enfants qui meurent

 

Celui qui tient entre ses doigts

Sa longue vie comme une flûte

Descend le fleuve et ne sait pas

Que ces enfants le dévisagent

Que dans la nuit des portes s'ouvrent

Et que soudain dans l'escalier

Des pas répondent à l'appel

De sa chanson au bord du fleuve

 

Mais seulement devant la mer

Quand fatigué par le voyage

Doucement son regard se pose

Sur toutes choses méritées

Il s'aperçoit qu'il n'est plus seul

Que les enfants l'ont devancé

A l'intérieur de sa vie même

Que son amour est dépassé.

 


 

 

 

 

Si mes yeux...

 

Si mes yeux si mes mains

Si ma bouche encor tiède

Si la terre et le ciel

Venaient à me manquer

 

Si le vent n'allait plus

Porter dans sa nacelle

Mes oiseaux et la part

Infime du secret

 

Si les tiges de blé

Qui ferment ton visage

N'éclairaient plus la route

Où j'avance à pas lents

 

Si ce poème enfin

N'était rien qu'un poème

Et non le cri d'un homme

En face de sa nuit

 

Mon Dieu serait-ce alors

Besoin de tant de larmes.

 


 

 

 

 

Présence de l'amour

 

Ton ventre doux comme la neige

Tes mains plus douces que des mains

Toutes les mains renouvelées

Un seul instant entre les tiennes

 

Belle d'avoir toute beauté

Dans la douleur qui t'accompagne

Tes pleurs aux nôtres confondus

Ta joie plus forte que nos cris

 

Calme poitrine que décorent

La racine la flamme nue

Plus désirée d'être conquise

Tu dissimules tes oiseaux

 

Toi seule aidée de tes caresses

Tu me protèges tu me vêts.

 


 

 

 

 

Le laboureur et ses enfants

 

Pas de trésor caché dedans

Pas plus que dans mon poing qui meurt

De source claire

Rien sur le dos ni sous la paume de la terre

Rien à gratter sur l'œuf en plâtre de la terre

Plus de petits poussins tremblants dans les sentiers

Plus de femme en peignoir à fleurs sur le palier

Plus de foule au balcon pour voir passer la foule

Plus de mousse qui perle et de pierre qui roule

Plus de chalands à quai

Plus de lustres au plafond

Plus de zéro de conduite et de leçons

Plus rien qui vaille encor la peine de distraire

Ce temps de nous

A la veille de la misère.

 


 

 

 

 

Lettre à Hélène

 

Es-tu là

N'es-tu pas là

Dans la chambre où rien ne bouge

Dans ma vie où tu respires

 

Tu te poses sur la plante

Sur l'œil triste et muet du chat

Sur le livre qui n'est lourd

Que du poids que tu lui donnes

Je te vois en fermant 1'œil

Dans le champ

 

Balle perdue

Dans mon cœur

Balle qui trace

L'avenir le souvenir

Je ne pense qu'à toi qui m'aimes

Je ne suis qu'à toi qui bruis.

 


 

 

 

 

 

Air triste et connu

  

 

 

Un caillou lancé

Une vitre saute

Un homme qui tombe

Le cœur fracassé

 

Celui-ci chantait

Pour ne pas entendre

Le pas de la mort

Dans son escalier

 

Celui-là mourait

De ne pas comprendre

Les ordres brutaux

Dits en étranger

 

Celui-ci vivait

Mais de son mensonge

Celui-là est mort

Au lieu de parler

 

De tous les vivants

Pas deux ne s'accordent

Sur le nom secret

De la liberté

 

Un caillou lancé

Une vitre saute

Un autre homme tombe

Ah c'en est assez.