Cadou dessiné par Roger Toulouse.
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Destin du poète
Le soir qui bouge son oreille
Comme un vieil âne abandonné
Le dernier corset d'une abeille
Oublié sur la cheminée
La cloche triste de l'asile
Et le pas qui répond au pas
Dans la mesure où ce qui veille
Encourage ce qui n'est pas
L'oiseau qui tombe sur la pierre
Le sang qui tombe sur le coeur
La bonne pluie des réverbères
Qui donne à boire au malfaiteur
Le trou d'aiguille par où passe
Le fil ténu de la clarté
La bobine du temps qui roule
Sous les lauriers sous les sommiers
Mais se savoir parmi les hommes
En un présent aventureux
Une petite lampe à huile
Qui peut encor mettre le feu.
Dans la campagne dévorée comme une prune...
Dans la campagne dévorée comme une prune
Dans les corridors à la chaux de l'été
Le long des fermes qui respirent
L'aisselle fraîche des sentiers
Sous le chaudron renversé de l'orage
Sous l'aqueduc illuminé du paysage
Sous l'abat-jour de tuiles douces
Et plus loin encore de soi-même
Une lumière qui descend
Entre deux têtes hauturières
La nappe d'huile du couchant
Ce monde infime sous l'écorce
Qui se met soudain à peupler
Les mains tendues les bouches noires
Les yeux en peine de pleurer
Je ne vis que pour quelques feuilles
Quelques oiseaux qui seraient là
Sur la margelle de l'histoire
Témoins de nos tristes combats
Et siffleraient nos fausses gloires.
Comme un seul homme
Les grands pays qui n'ont plus cours
Le ciel plein des ressorts usés de la tempête
L'immeuble dévasté par les vagues du jour
Dans le moment soudain de la tristesse
Dans la confrontation décisive des mains
Un regard d'un bleu d'abîme qui me pénètre
Une poussée un peu à gauche du chemin
Mais toujours le retour serré du coude à coude
Cette marche à long terme où je ne puis doubler
Ce triste compagnon sans cesse à mes côtés
Il serait bon d'aller tout seul de porte en porte
Comme un courrier qui met longtemps à parvenir
On dormirait avec des chiens entre les jambes
Pour rien
Pour simplement s'empêcher de sourire
Et s'assurer qu'on est bien là
On oublierait de respirer
On laisserait monter la soupe de l'espoir
On serait fort comme un seul homme.
Dans le train bleu...
Dans le train bleu qui roule à vide
Quelque part dans le matin
Au petit hôtel de la plage
Abandonné de la Toussaint
Le long d'un fleuve large et triste
Sur les canaux de la banlieue
Dans la ruelle qui résiste
A l'air qui monte mélodieux
Au fond d'un entrepôt de rêves
Et plus loin encor sur les claies
D'un soleil rouge qui soulève
Un ménage de roitelets
Je me sens vivre je dépare
La pauvreté de cette vie
Je suis riche comme un avare
Qui n'est riche que d'autrui.
Les maisons du destin
Il y a des maisons dont je n'approche guère
Que par un mouvement timide de la main
Comme s'il s'agissait d'un cheval de barrière
Habitué à des caresses de forain
Des maisons qui n'ont rien pour elles que des portes
Toujours béantes sur la tartine d'un enfant
Et des étages aux lingeries désespérantes
Que ne parvient à regonfler un maigre vent
J'écoute avant d'entrer le bruissement de pierre
Que font au bord du ciel ces maisons du destin
La pluie d'avril ne chante pas dans les gouttières
Bouchées par un caillot de sang gros comme un poing
Une femme en cheveux qui n'a que sa tristesse
Au-dessus de la rue penche pour y tomber
Le ciel vacille avec des lueurs de lampe à graisse
Très loin parmi de hautes cheminées
Et je monte en tremblant une marche après l'autre
Ainsi qu'un affamé domestique sa faim
Ce soir j'ai du salpêtre sous les côtes
Eblouissant comme une étoile de chagrin
Et je veille avec vous cette ville dormeuse
Enroulée mollement dans la fumée des trains
Tandis que sous le front glacé d'une veilleuse
S'insinue un peu plus de désespoir humain.
Les bohémiens de la mer
Dans les petites ruelles de la mer
Au bord du terrain vague où naît le chardon bleu
Quand l'âne du couchant se met à braire
Quand le premier falot glisse son oeil de verre
Sous les cils du genêt vers un pays brumeux
Des enfants qui n'ont rien pour eux que leur visage
Et l'allégresse à peine humaine des pieds nus
Sur le pavé des mers brûlant de coquillages
Et lourd comme l'été d'une grande avenue
S'en vont porteurs à deux d'un trésor de voyance
Et debout sur le banc de la barque volée
Comme si le sommeil augmentait la distance
D'un long jet de salive accuse leur beauté
Mais très tôt fatigués par cet effort qui n'aime
Malgré tout son bonheur être renouvelé
Les deux enfants voleurs accusés par eux-mêmes
S'endorment dans la barque où nul n'a navigué.
Derrière les enfants...
Derrière les enfants qui ferment les villages
En revenant le soir par bandes de couleur
Derrière le chemin où le cheval s'engage
D'un pas qui fait fuser les éclairs de chaleur
Il est des rues jetées à tâtons dans les villes
Comme un tramail aux mains aveugles du pêcheur
Des ruelles abhorrées par les sergents de ville
Qui ne sauront jamais la grâce des flotteurs
Il suffit d'un front bas comme un devant d'auberge
D'un chien maigre étouffé dans le fond d'une cour
De l'estampe noircie qui plait à la concierge
Par toutes les journées qui sont gravées autour
Il suffit d'appuyer doucement son épaule
Contre ce mur de fer qui respire tout bas
Pour qu'au tressaillement mystérieux de ses côtes
On devine une vie terrible qui n'est pas
Seulement la palpitation de cinq étages
Le remugle de sang dans le trou d'un évier
Mais la complète indifférence des otages
Pour une inadmissible et proche liberté.
Dans les hommes du soir...
Dans les hommes du soir qui traversent les fermes
Le pichet à la main comme un courant d'air frais
Dans la femme citée entre toutes les femmes
Qui pose sur la pierre une jatte de lait
Dans le ciel entouré d'un globe de faïence
Où s'avive le sang d'un coq peinturluré
Dans la tête du boeuf qui noie avec patience
Les poissons invisibles de sa destinée
Dans les noeuds de bois dur qui portent avec l'âge
L'amour des grands-parents et le bleu couvre-pieds
Dans tout ce qui fait battre à petits coups l'horloge
Et se mire dans l'œil majeur du balancier
Il est une raison éternelle de croire
Par-delà les moissons et les calendriers
A la grandeur des jours bornés et sans histoire
Qu'on dispose le soir comme un peu de fumier
En tas non loin du seuil et dont l'odeur tranquille
Sans souci d'éveiller des horizons marins
S'insinue lentement au travers des poitrines
Comme une certitude épaisse de bons grains.
Les enfants de midi
Le village à midi n'empêche pas les mômes
De tracer sur le sol de grands signes d'argent
La ferme l'écurie et l'avant du navire
Ni la cruelle application de l'indigent
Qui devancé par mille mains dans son délire
Edifie en ses yeux un monde transparent
Les capsules de fer qui rouillent dans les flaques
Où l'huile des moteurs met des soleils mouillés
Les déchets de cuir souple à l'entrée de la porte
Parmi les mégots bleus et froids du savetier
Mais les craies de couleur qui prolongent les fleuves
Et sur 1e tableau noir un instant surpeuplé
S'attachent des pays dont le nom de saveur
Agace un peu les dents comme un acidulé
L'enfant qui pense à tout se saisit dans son rêve
Comme s'il le savait pour toujours habité
De ces merveilles-là qui naissent du soleil
A midi sur le bord des villages d'été.
Vers cinq heures du soir...
Vers cinq heures du soir dans le chaud des villages
Quand la place ronronne autour des marronniers
Imperceptiblement on voit bouger des portes
Comme un paquet d'anguilles au milieu des osiers
Le moment d'un bras nu la salle haute et large
Aux murs cicatrisés comme un genou d'enfant
Respire à petits coups on dirait une bête
Poursuivie et brisée d'avoir couru longtemps
Mais l'homme s'enhardit à nommer la servante
Qui délaissant pour lui de criardes coutures
S'élève lentement dans les bassins de cuivre
Comme déshabillée de ses peines futures
Le verre à moitié plein l'homme aux bras nus se penche
Du pouce sur le bois épais du cerisier
Je connais la raison obscure de ces planches
Et le velours du temps sur le vieux mobilier
Il oublie qu'il a soif et que la fille est belle
Que le plafond jauni ajoute à sa grandeur
Comme quelqu'un ayant trop bu qui se rappelle
Il s'enfuit sans payer vers la grande chaleur.
La vie et son oreille grise
Dans cette vie qui montre son oreille grise
Comme un vieil âne au front toujours dissimulé
Le temps passé qui s'amenuise
Les fantômes d'une autre année
Mais malgré tout l'odeur fouillée de cette enfance
La Lucilline au nom d'épouse et de voyance
La morue sèche les gaufrettes et le riz
Il n'est rien de ce temps comme une source avare
Et mille fois comblé par les cailloux du temps
Que je veuille oublier qui ne me soit plus rare
Que le premier fruit mûr détaché du printemps
Ni la femme choisie entre toutes les femmes
Pour sa bonté pareille à un genou d'enfant
Ni l'inquiète raison de se savoir une âme
Ballottée sur les lambris vagues du couchant
Ni rien de plus têtu qu'une main qui émerge
Lentement du matin comme un bonheur des eaux
Rien ne peut m'éveiller chaque jour à moi-même
Plus sûrement qu'un jonc brisé de mon berceau.
L'aventure n'attend pas le destin
Peut-être bien
Que tout au bout de cette vie il n'y a rien
Que c'est comme le dos du mur de l'hospice
Des détritus
Ou trois cents mètres de précipice
Dans la glaise du temps difficile à manier
L'Ame fait un tout petit peu de fumée
Il y a l'herbe l'os blanchi et le vieux casque
La cinquième roue d'une destinée restée en panne
Dressé sur le hors-bord qui fourrage la nuit
Il reste malgré tout l'espoir d'une aventure
Le goût sur et salé d'un matin de printemps
Quand dans le soubresaut félin de la voilure
S'insinue la caresse immédiate du vent
On est porté plus loin que son épaule même
Immergé comme un boeuf au beau milieu des eaux
On a soudain du caractère et l'on s'élève
Miraculeusement à son propre niveau.
Rien ne se perd...
Rien ne se perd
Et quel secret
Dans le matin trop neuf de la mémoire
Sur la route à grands pas que rien n'encombre
A l'envers du fossé
Et peut-être couché comme bête promise
A la corde au couteau et au poing du boucher
Le même individu différent de lui-même
Inaugurant sans cesse une morne statue
Je me reconnais bien à force de mensonges
Et par le porche ouvert d'une grande avenue
Je m'accueille en pleurant comme un enfant qui ronge
Un ennui délicieux comme une pomme sure
Je sais que toute nuit enfonce sous mes tempes
De longs trains désolés insoucieux des gares
Que rien n'est merveilleux comme une pauvre lampe
Dans la boutique étroite et dorée du hasard
Mais je crois à des temps suffisamment faciles
Et légers à la main comme un vol de chevreau
Pour qu'un homme habitué aux plus simples miracles
S'étonne de se voir couronné à nouveau.
Pour t'avoir, pour deviner
Pour t'avoir là dans la maison
Comme une étoffe toujours blanche
Et sans souci des lunaisons
Te caresser le long des hanches
Pour deviner ta jambe nue
Comme un soleil d'été qui traîne
Dans le ruisseau d'une avenue
Un matin de tristesse humaine
Pour ne savoir te désirer
A chaque instant dans chaque femme
Pour t'aimer comme un beau cheval
Dans la rue pleine de passants
Pour soulever dans ton sourire
Un ciel d'automne ses pommiers
Pour balayer d'une main large
Les flocons noirs du souvenir
J'ai retrouvé tout mon courage.
Prière du convict
Derrière les murs et derrière la prison
Mon Dieu il y a peut-être des gens qui s'en vont
Parmi les rues tranquilles des gens tranquilles
Avec leur petite vie au bout d'une ficelle
Mon Dieu est-il possible de croire encore
Derrière ces murs à tout l'envers du décor
Je vis là je ne sais pas depuis combien d'années
Depuis le temps j'ai bien le droit de m'en aller
D'aller voir entre deux sanglots ce qui se passe
Dans la petite chambre à papier bleu qui est sûrement en face
Depuis le temps j'aurai fini par oublier
Pourquoi je suis un homme et pourquoi je suis né
Et je me traîne à quatre pattes dans ma cellule
Pour ne pas entendre au fond de moi cette bonté qui hurle
Et ce n'est pas ma faute si j'aime encore les enfants
Comme une pomme qui agace un peu les dents
O Vous ne soyez pas de l'autre côté des fenêtres
Approchez-vous de moi quand le gardien pénètre
Approchez-vous et parlez-moi comme un enfant
Qui parle seul à un enfant.
Lettre à Jules Supervielle
Je pense à vous ce soir Jules Supervielle
Je pense à vous et c'est l'automne en ce pays
C'est toujours à tort que l'on parle l'amour en tête
Mais je vous parle Jules Supervielle
Entre nous de longs enfants des filles de préférence
De grandes journées en Uruguay
Les flammes de la pampa
Je pense aussi à Oloron le gave lèche les pierres
J'y fus voici combien d'années
C'était à la Maison Pommé
Il y mourait des jeunes gens
J'aime ces pays dont vous parlez et qui ont l'allure des femmes
On dit que les chevaux s'emballent
Comme un foulard à la portière du wagon
Pardonnez-moi Jules Supervielle je devais écrire un article
Où j'aurais dit la grande la douce solitude de vos écrits
Et je me laisse soudain aller à quelque chose d'informe comme un poème
Simplement parce que j'ai vos livres sous les yeux et que je vous aime
Ah voyez-vous c'est difficile de s'interdire
Dans cette vie quelques minutes de loisir
Et de parler à cœur ouvert à un ami qui vous ignore
Comme on peut avec les ridicules moyens du bord
Je me suis dit ce soir après l'école ne tarde pas
Il y a un ami qui t'attend
Il est là-haut dans ta chambre avec toutes sortes d'animaux
J'entendais un grand pas partout dans la maison
Et vous marchiez peut-être à ce moment dans la rue Vital
Ou dans un chemin creux de Saint-Gervais-la-Forêt
Qui est sûrement un patelin merveilleux
J'ai dit parlant aux ombres qui voyagent
Voici la pomme et la statue
Et voici Jules Supervielle
Ah vous voici cher Supervielle dans le miroir à peine éclos de la fenêtre
Ecartelé avec ce monde qui bat en vous sur le côté
Voici Jules Supervielle dis-je et dans la certitude obscure de demain
Enfin voici un grand bonhomme sur le chemin
Une silhouette jeune comme le vent et la luzerne
Voici la haute lanterne là-bas dans le domaine du cheval
Voici l'auberge le rendez-vous de tous les jours et le festin le plus original
Ah Saisir Et rien n'échappe à ce grand corps qui se redresse
Aussi haut que la pomme et le sein des déesses
Dans l'étendue lunaire et sans spectacle
A vous seul comme vous en faites des miracles
Bien sûr vous n'attendiez rien de moi
Car l'on n'attend rien de personne
Je vous écris depuis longtemps
C'est un bonheur de vous écrire
Il semble un peu qu'on se rapproche de ces pays qui n'ont un sens qu'à travers vous
On marche aux pas des animaux faciles
Parmi tous les amis connus et inconnus
Il y a celui-là si grand qui nous rassemble
L'homme pareil à l'Homme
La troublante effigie
Et malgré tout je n'ai rien dit de mon amour Jules Supervielle.
Que voulez-vous...
Que voulez-vous ce ne sera jamais l'automne
Comme il est dit dans le vieux livre des marais
Avec de grands oiseaux barioleurs et des tonnes
De lettres mortes à la surface des guérets
Ce ne sera jamais amarrée en bordure
Du ponton silencieux et morne des forêts
La nef hautaine et ses cabines de dorure
Où gît dans les rayons un calme roitelet
Mais rien qu'un monde plat mené par l'attelage
De deux grands boeufs du ciel décidément noyés
Pour toujours dans la marne épaisse d'un feuillage
Ignorant la caresse étroite du bouvier
L'automne en ce pays ne sera pas l'automne
Malgré les longs enfants qui reviennent le soir
Tout en jonglant avec des livres ou des pommes
Dans le creux d'un chemin triste comme un trottoir
Il manque à la raison trop sûre d'être belle
La perle de banlieue qui tremble d'être là
Contre la vie ou bien la joue de demoiselle
La paupière baissée et mauve du lilas.
Comme quelqu'un...
Comme quelqu'un qui va tout seul sur la grand'route
Avec un souvenir atroce dans les bras
Pendulette à sujet ou glaneuse de bronze
Qu'il craint d'ensevelir en trébuchant trop bas
Comme quelqu'un et c'est le soir dans les fenêtres
Le dahlia envahit le jardin de banlieue
La femme se recoiffe et la beauté pénètre
Comme un peigne d'argent dans le bleu des cheveux
Je marche sans savoir vers des lunes soudaines
Qui ne connaîtront pas le repos du pécheur
Je serre dans mes bras ainsi qu'une ombre vaine
La pendulette ou la glaneuse de mon cœur
Et je presse le pas comme si de la ville
Accusée par des murs et par des poings d'enfant
De cette ville proche et dont je sens l'haleine
Toute chaude et pareille à un genou saignant
M'arrivait dans le dos une pierre mauvaise
Un coin de fer qui durement pénétrerait
Dans le clair de ma vie entre mes deux épaules
Puits de sagesse qui ne tarirait jamais.
Lettre en franchise
La nuit la solitude et le temps ont beau faire
Nous marcherons toujours sur le même chemin
Enlacés comme deux ivrognes ou deux frères
Parmi les marguerites les passants les réverbères
Parmi les menteurs et parmi les lilas
En ce moment je pense à toi
Hélène lit comme un berger
Sous le parapluie de la lampe
Du côté de Rosny-sous-Bois
Un noyau de clarté très tendre
Comme un vaisseau penché une oreille attentive
Je tends vers un pays qui ne peut supporter
De solitude que la nôtre
Je vis dans un matin égayé par ton pas
Dans le bruit de tes vers qui passent dans mes vitres
Comme une main d'enfant qui bat
Contre le ciel qui va trop vite
Et je n'ai pour te retrouver
Toujours pareil à ton image
Qu'à soulever un coin du vent
Et les tentures de l'orage.
Si ma raison vaut par les feuilles...
Si ma raison vaut par les feuilles
Qui parlent bien quand on les aime
Si j'appréhende les oiseaux
Dans les frimas de l'amour même
Si je suis sûr de mon galop
Comme un coursier qui voit paraître
Au bout du monde le sourire
Ou la tristesse de son maître
Si j'entends bien que l'on me rende
Au centuple ma liberté
Dans un matin de délivrance
Bouclé d'enfants aventurés
Si je suis nu comme une averse
Dans une salle blanche et bleue
Qui tremble de toutes ses portes
Lorsque le cœur s'agite un peu
Si je dérobe à mon histoire
Sa vérité sa pauvreté
C'est dans l'espoir de m'habituer
Jour après jour à mon espoir.
Rochefort-sur-Loire
Juillet comme un beau soir dans un jardin sablé
L'auberge la fumée les quinquets de la gare
On n'a pas rétabli les deux ponts sur la Loire
Mais on a bien gardé celui de la mémoire
Et tu marches là-bas parmi les oseraies
Traînant derrière toi ton unique village
Ses faces de buveurs ses chevaux son clocher
L'ardoise du poète et l'absinthe sauvage
Qui nous attend sur le comptoir de l'amitié
Te souviens-tu de ta maison et du passeur
En cotte bleue et qui fumait des cigarettes
Mouillées Te souviens-tu de Béhuard cette cloche
Qui nous battait le cœur comme une aile brisée
Le bruit vague de l'eau la collégiale rose
D'un ciel qui se mourait de son immensité
Nous chantons sur la route et déjà se dessinent
Les bocaux jaune et vert de ta maison hantée
Emmène-moi dans la vallée vers la demeure
De Marie-Cécile en Saint-Aubin-de-Luigné
Que j'y retrouve et que j'y boive ma jeunesse
Fraîche et joyeuse dans un décor du Douanier
Allons dîner dans cette échoppe des poètes
Pleine d'enfants et de graillon qui perpétue
La tradition Amenez-moi les meilleurs crus
O mon ami je bois à une obscure fête
A nos vingt ans qui ne sont plus
Et qu'importe après tout Nous remontons la pente
Très tard en titubant derrière les cyprès
La lune est triste et basse et ne fait point exprès
D'éveiller sous les toits des ombres odorantes
A la Haie-Longue ils sont couchés depuis longtemps
Ceux qui font de la soif et des pensées des gens
Un vin blond qui mûrit comme gel les oreilles
O plaine immense sous nos pas errantes lueurs
Qui fulgurez en queue des trains qui n'êtes pas
Notre lumière et toi Garnier qui te lanças
Avec tes bras de toile de cette hauteur
La chambre du poète et la Bibliothèque
Les lilas du clocher qui ne sont pas éteints
Qui flambent si on attise nos cigarettes
Cette nuit-là vers les quatre heures du matin
Mon vieil Ami j'ignore tout de notre histoire
Et ne veux point savoir si tu as dans les mains
Autre chose qu'un peu de soleil illusoire
Mais je te tiens et me souviens.
Les paroles de l'amour
Toute ma vie et c'est bien peu si l'on regarde
Avec des yeux d'avant la Terre la lucarne
Où s'égosille un ciel de crin qui n'en peut plus
D'être beau de travers et de porter ombrage
Au plus dévoué au plus sincère des visages
Toute ma vie pour te comprendre et pour t'aimer
Comme on se couche à la renverse dans les blés
En essayant de retrouver dans le silence
L'alphabet maladroit d'un vieux livre d'enfance
Je m'entoure de toi comme un enfant frileux
Je pars je suis en route depuis des siècles je
T'arrive un matin beau comme un matin de chasse
Tu ne sais pas que je suis là et je me place
Tout contre toi comme une porte mal fermée
Qui boit son lait et qui respire doucement
Je te regarde et tu souris sans mouvement
D'un sourire venu de plus loin que toi-même
Qui fait que tu es belle et qui fait que je t'aime.
Encore l'enfance
Mon Dieu c'est peut-être parce que je suis toujours avec les enfants comme l'un des leurs
A leur disputer leurs secrets leurs sanglots et leurs craies de couleur
Je pense à un jardin profond et tout en demi-teintes
Avec des gueules-de-lion et du désespoir-du-peintre
Je marche en écoutant mes pas dans les allées
L'air sent le soufre de la treille et les fruits éclatés
Et très loin dans le fond parfumé des villages
Le ciel fait boire au fond des yeux son attelage
De bêtes lourdes et comme ensanglantées
Par les coquelicots et les griffes du blé
C'est un dimanche après-midi comme les autres
Avec des bonnes gens en habit sur la route
Et mon père qui lit tristement son journal
Enveloppé dans des fumées de caporal
Ordinaire C'est ici que je sens battre
Mon cœur comme un volant d'une machine à battre
Et c'est encore ici qu'en moi-même dressé
Je m'épouvante d'un moment d'éternité.
Mahatma Gandhi
Mahatma Gandhi
Un nom comme les marchands d'oranges en crient
La bouche maigre et de travers
Quelque part dans une banlieue sud
Tu as l'air d'un vieil explorateur retrouvé
Après cent ans dans un désert
Souriant le cheveu rare et le nez surmonté
D'une monture sans les verres
Tu es dans une case tout seul
Avec ton peuple Tu regardes
La terre nue et les moisissures de ta soupe
Vingt fois le soleil a passé
Comme une lettre sous la porte
Que tu n'as point décachetée
Le riz fait battre les rizières
Et la semence du coton
Gonfle le coeur de l'indigène
Un jour enfin l'aube se lève
Sur tes enfants réconciliés
Tu ne sens plus tes membres las
Tu es debout comme un jeune homme
Qu'on vient tantôt d'assassiner.
Bürger
Gottfried August Gottfried August le jardinier
Pressez on vous demande à la porte d'entrée
Déjà dit le jeune homme en tremblant le jeune homme
Relevant d'une main ses cheveux sur les tempes
A la porte d'entrée il n'y avait personne
Qu'un peu de vent léger qui balançait les branches
Mon Dieu mon cher patron vous m'avez bien berné
Je n'ai vu que le ciel et le bout de mon nez
Mais dès le lendemain et longtemps avant l'aube
Le jeune homme partait les deux mains dans ses poches
Et sans savoir pourquoi se mettait à siffler
Comme on taille un bâton noueux de noisetier
Avec au fond de lui quelque chose comme
Un neuf d'autruche un coeur d'enfant ou une pomme
Qui le menait du côté gauche et lui tirait
La jambe comme les lanières d'un harnais
Las ! ce ne sont point les bistrots de Göttingen
Qui jamais me feront la vie un peu moins triste
Je roulerai comme un torrent entre les tables
Pour m'affaler contre la porte d'un notable
Ah Gottfried ce n'est pas ça qui te rendra
La brume douce qui glissait entre tes bras
L'été de ta jeunesse où tu n'étais encore
Que le sage employé Gottfried August Bürger
Bourgeois vous ne voyez en moi que le scandale
Lorsque je suis à la recherche de Sa sandale
Aérienne, ivre et fou et pleurant tête nue
Comme on s'obstine à rechercher la clé perdue
O Leonore la clé de ta chambre secrète
Qui scintille à mon doigt comme un anneau parfait.
Les poètes du dimanche
Croyez-moi je vous aime bien mes doux poètes
Qui écrivez des vers comme on soigne les bêtes
Dans les faubourgs du ciel là-bas où ce n'est point
Une allumette dans une botte de foin
Mais à perte de vue mille et mille blessures
D'astres dans le côté gauche de la nature
Tu es dans la cuisine rouge de l'ennui
Avec des cuivres rouges et des panoplies
Des photos pâles des billets de bienfaisance
Entre des fleurs en cellulose et des faïences
Tu as près de soixante-dix ans et tu nais
A chaque battement nouveau de ton poignet
D'une rime sonore et guère originale
Comme tu en lisais à l'Ecole normale
Les soirs d'étude où le vent maigre se glissait
Sous la porte comme une lettre de cachet
Tu te souviens de bords de l'eau et tu t'amuses
A des allégories de l'Almanach des Muses
A des sonnets parfaits comme un arpent d'été
Qui font songer aussi à ce vin récolté
En cette année inoubliable du poème
Qui disait la folie de ta femme et le même
Sursaut d'angoisse que tu éprouves ce soir
En face de ce vers impossible à traduire.
Traduit de l'amour
Il est des souvenirs bavards qu'il faut noyer
Tout de suite dans un morceau de grosse toile
Au plus creux de la mare avec un gros caillou
Que ça touche le fond sans faire de remous
De tous mes souvenirs - que Dieu me le conserve –
Un seul flotte sur l'eau comme un blanc nénuphar
Au détour d'une rue coupée par les averses
Un soir d'automne ou de décembre quelque part
Dans une ville triste et lourde avec des femmes
Ensanglantées sous la lumière des trottoirs
La seule aux pieds d'enfant qui marche comme on danse
A dix ans dans les cours d'école d'autrefois
En jetant vers le ciel des écorces d'orange
Qui brillent si dangereusement sur le toit
La seule et retrouvée après tant de voyages
Quand on a descendu et promené ses malles
Cent fois dans le corridor mauve du chagrin
Mais tu m'arrives de plus loin que ma mémoire
Toute luisante comme un pêcheur de goémon
Qui fait signe d'un bout à l'autre de la plage
Et si j'approche m'appelle de tous les noms
Des noms d'avant la nuit qui sont au creux des vagues
Comme les chardons bleus le long des terrains vagues.
La fausse monnaie
Pourquoi m'avoir appris à ne plus me passer
De la vie comme d'une pipe bien tassée
Qu'on fume dans la nuit tout seul sur une plage
En écrasant sous son talon des coquillages
Roses et les ressorts du goémon
Ce n'est pas d'avoir vécu dans les grands halls
Parmi de pauvres gens et des têtes de guignol
O mon Dieu et ce n'est point d'avoir perdu
Toutes les courses avec quelques autres en plus
Qui fasse que je sois ce soir à la fenêtre
Généreusement abandonné comme la main d'un prêtre
Je pense à ces années d'avril et c'est navrant
Tout ce feuillage avec si peu d'oiseaux dedans
Et si je jette un oeil par-dessus mon épaule
O mon Dieu qu'est-ce que je vois dans la rigole
Ah pourquoi pourquoi
Quand c'est été si simple
Pour éviter toute émotion
De me retirer tout de suite de la circulation
Comme une fausse monnaie.
Je me souviens de voyages
Je me souviens de voyages
Comme un wagon abandonné
Après faillite et compagnie
Dans la campagne abandonné
Avenir lui chantent les seigles
Et les tremblantes graminées
Lui font couronne de folie
Mais je me souviens de voyages
Et de peuplades rencontrées
Sur de bien sinistres rivages
Dans les banlieues le long des quais
J'ai connu des fenêtres mornes
Où séchaient des combinaisons
Pâles ainsi que les personnes
De mauvaise constitution
Je revenais dans les six heures
Avec des femmes qui n'avaient
Pour satisfaire à leur bonheur
Que les paupières du regret
Nous prolongions dans les mansardes
L'inhabitude d'exister
Et les tiédeurs du mois de mai
Nous faisaient pleurer par mégarde
On parlait de ces paysages
Qui ne s'inscrivent qu'à des lieues
Tout en haut des pages de garde
Chez les auteurs licencieux
On n'avait point d'enfant pour cause
On aurait voulu en avoir
Beaux comme on voit les mufles roses
Penchés sur l'eau des abreuvoirs
Mais je repartais pour des villes
Qui devaient me conduire là
Dans une campagne inutile
Entre deux touffes de lilas
Ce ne sont point tes écolières
Tes chevaux ton printemps frileux
Mon passé de l'année dernière
Qui me rendront mes réverbères
Ni les ruisseaux de ma banlieue.
L'enfant de la balle
Ce soir
Ce soir ou un autre
La corde
Pour rire cinq cents personnes
Et la corde
Qu'est-ce qu'on fera d'un mort
Qu'est-ce qu'on fera de cet idiot qui s'est tué
Comme ça avec toutes les lampes allumées
La corde et la fausse note
Mais dans la roulotte arrêtée
Un soir
Pas d'allumette sous le réchaud
Pas de visage dans la cuvette
Le pied qui manque
Les chaussettes vertes
Cinq cents personnes
La corde.
L'enfant prodige
Nous le ferons curé diplomate ou savant
Disait l'aïeule un jour de pardon à Plélan
Passe encore savant dit le père en colère
Chez moi n'entrera point homme de presbytère
Nous Gendoiseau Abel depuis les temps anciens
Par Saint-Just et Marat sommes républicains
Cependant au piano la femme du notaire
Appuyait ses deux bras comme deux jets de pierre
Et l'on cherche l'enfant pour le circonvenir
D'aimer Danton au ciel et de lui obéir
Point d'enfant au grenier et non plus dans la serre
Comme il se garde bien de qui peut le distraire
Et la mère reprend une a une ses gammes
Qui disent comme lys sa douleur d'être femme
A l'heure du dîner on retrouva l'enfant
Pendu comme un grand homme et le bout des doigts
Sur le ciel de la nuit est écrit à la craie
" Je suis mort pour mieux voir je n'ai point fait exprès ".
Le jardin du juge
Montez la guillotine il y tombe une tête
Pavots ou tournesols il en tombe une tête
Amenez-moi la veuve et le plus jeune enfant
De mes derniers six mois je leur ferai présent
Enfer et roses rouges
Dans le jardin du juge
La femme qui entra portait entre ses mains
La tête du galant sur un lourd plat d'étain
Malheur dit le vieux juge et tristesse Madame
Vous n'avez point saisi la nature du drame
O Dieu qui m'entendez quérissez-moi la mère
La mère dit l'écho est morte au cimetière
Il n'est de cimetière plus profond que pensée
Une vieille arriva à petits pas pressés
Monsieur bien le pardon dit à la forme assise
Ne vous ai-je point vu déjà en Cour d'Assises
Ainsi pauvre de moi vous m'avez reconnu
Ni larmes ni remords n'ont pu me mettre à nu
Enfer et roses rouges
Dans le jardin du juge.
L'enfance et autres lieux
Te souviens-tu encore de ton enfance
Comme d'un chemin de sable où l'on enfonce
Tu es toujours sur le perchoir tu tends la main
A des fantômes qui sont là-bas dans le lointain
Pareils à des épouvantails à merles qui s'effilochent
Tristement dans les après-midi d'automne
La saison est passée qu'ils demeurent dans l'arbre
Rêveurs d'un temps obscur à se peigner la barbe
D'une main sans poignet et qui revient au corps
Ainsi qu'un oiseau froid regagne le décor
De champs maudits de buissons creux de routes sombres
Pour ne point échapper aux dures lois du Nombre
Ah certes ils te font signe et tu as beau pétrir
Une à une les mottes noires de l'avenir
Pour en faire poitrine et visage de glaise
C'est vers eux que tu vas et tu sembles bien aise
Au soir d'un jour nouveau et sans miracle aucun
De retrouver un peu d'eau fraîche sous la main
Tu songes à des amis qui écrivent des livres
Sans avoir seulement cette passion de vivre
Qui te jette en travers de ta vie qui te tient
Durement à la gorge comme les crocs d'un chien
Ce n'est pas parce que j'aurai chanté les pylônes
Les tubulaires les atomes ni l'ozone
Que je serai vainqueur et que tout sera dit
Sur les nerfs sur notre Histoire d'aujourd'hui
C'est au cœur de l'enfant qu'on reconnaît l'enfance
Et n'ayant pas changé c'est pourquoi je m'enfonce
Dans les salles du temps et les chambres de ronces.
L'édredon rouge
Cocassier de malheur tu as brisé tes oeufs
Ta femme te maudit tu as bu du vin vieux
Et fouette la jument l'équipage s'envole
La brume des étangs efface les paroles
Transi l'homme frappa aux vitres du château
Holà les marmitons il me faut godiveau
Et poularde ou brochet que ce soir on me fête
Si fort était le vent que légère est ma tête
Mais rien ne répondit et l'ivrogne aux cent coups
S'acharne sur la porte qui s'ouvre d'un seul coup
Comme fou il divague au pied de l'escalier
Il flageole il va choir il est sur le palier
Lorsqu'ouvrant une à une les paupières des chambres
Ah Dieu soit loué dit-il je vais pouvoir m'étendre
Et dormir jusqu'au jour le plancher est fort bon
Une voix de l'enfer cria " Qui es-tu donc
Toi qui oses en sabots et le nez de travers
M'éveiller quand m'éveille à peine le tonnerre "
Tout d'abord interdit il décline ses titres
Cocassier de village et grand buveur de litres
Puis les yeux dessillés il regarde et ne voit
Que la lune accroupie dans la barque d'un toit
Qui parle de ce ton n'est point pour me déplaire
Montre-toi que je voie ta face de colère
Ah tu tiens à me voir glapit l'édredon rouge
Seul survivant ici de très anciens déluges
La femme s'évanouit pleura fit publier
Personne ne revit jamais le Cocassier.
Comme un Christ de Gauguin
Mon Dieu tu es quelque part sur une petite plage bretonne
Dans une crique à l'abri du vent
Tu as la bouche comme empêtrée de consonnes
Et tu as soif de limonade éperdument
Qui me rendra la palme fraîche du village
Mes figuiers et la voix des maréchaux-ferrants
Un soleil d'huile rance est l'unique breuvage
Et les gouttes de feu qui perlent à mon flanc
La fièvre le poignant il s'évanouit encore
Ses bras en se fermant semblaient un sémaphore
Lors on vit sur la mer mille et mille vaisseaux
S'approcher du rivage et lancer des canots
Du premier sur le bord il en sortit un ange
Porteur de vin doré d'olives et d'oranges
Mon Dieu éveille-toi je suis ton serviteur
J'ai parcouru les mers comme un pauvre pêcheur
Défiant nuits et marées corsaires et cyclones
Pour atteindre à jamais cette plage bretonne
Merci de tes présents dit tout bas le Seigneur
Mais laisse-moi puiser à deux mains dans ton coeur
Encore une lettre à Max
Mon cher Max j'ai vu ce soir Julien Lanoë
Traversant notre bourg tout exprès en auto
- Le bourg monté au ciel un soir de communion -
Pour me voir ah ! tu te doutes de l'émotion
Lanoë dit au curé : Pour René Guy Cadou ?
- Quelques mètres, au fond de l'enfer tout au bout !
Je sortais de ma classe et soit dit déclassé
Le col ouvert et l'uniforme rapiécé
A peine libéré je largue la fenêtre
Afin que le poème ou le printemps pénètre
Lanoë est là ma main bafouille et j'entretiens
Notre ami de ses fantômes quotidiens
Qui font que tu reviens toujours et nous rassemble
O Max dans l'infortune de ma chambre
- Un Noël de Cadou ça sent le Gaëlique !
La poésie tombée en domaine public !
Je t'aime et je fais bien et c'est un réconfort
O Max de te savoir au-delà de la mort
En moi présent intact et toujours secourable
Tu ne sortiras point à jeun de cette table
Où ton portrait figure et sans cesse grandi
N'est-ce pas cher Lanoë que notre ange maudit
Pèse comme un oiseau sur ma feuille et me donne
Le courage de ne ressembler à personne.
L'auberge
Caporal Lys Caporal Lys qu'est-ce que t'en dis
Si nous montions ce soir encore au Paradis !
Paradis en ce lieu a visage d'auberge
Et joyeux compagnons n'ont besoin de lanterne
Le sentier sent la pluie et les fonds de liqueurs
Et les ondées de juin assassinent les cœurs
- Qu'on me tue porcelet et vite à coups de pierre
Nous le ferons rôtir sur un feu de bruyère !
Tant nous avons dormi dans la paille des granges
Que les nuits d'insomnie ont des douceurs d'oronge
Une lampe d'avare éclaire notre vie
Comme un matin d'amour ou comme une eau-de-vie
Du lard et des neufs frais voilà qui renouvelle
L'enfance aux battements d'ailes de tourterelles !
Nul ne sait parmi nous au loin ce qui se passe
Mais le vieil homme assis tire sa jambe lasse
Et sous la poutre vermoulue comme un missel
Qu'est-ce qu'il tient dans sa main molle ? Un peu de sel
Une neige ocellée qui tente et revigore
La chèvre ou l'homme dans l'automne du décor
Maison grise oubliée tout en haut de la côte
Comme une aiguille ou une étoile sous les côtes
Maison surnaturelle ô maison de chagrin
Il pleut ce soir encore et c'est le mois de juin.
Le jeune homme à la médaille
La toile de Roger Toulouse qui inspira ce poème
- Jeune homme beau jeune homme ne vois-tu rien venir
Au loin sur les longues routes fraîches de l'avenir ?
- Je ne vois que tempête et que grands vents de sable
Des bêtes en folie échappées de l'étable
- Jeune homme beau jeune homme en la fin fond des temps
Ne vois-tu point venir un cortège d'enfants ?
- D'enfants pour les nommer je n'en vois qu'à des cordes
Pendus comme gibiers à des poignées de portes
- Jeune homme beau jeune homme cesse de t'alarmer
Ce blanc bouquet qui va n'est-ce là ta fiancée ?
- De fiancée aujourd'hui n'en ai d'aucune sorte
Les unes sont violées et les autres sont mortes
- Jeune homme beau jeune homme il faut que tu te trompes
Dieu ne permettrait point à nouveau cette honte !
- Dieu a permis qu'on soit et qu'on vive maudit
Le dimanche de Pâques est né du vendredi
- Jeune homme beau jeune homme ainsi donc tu espères
La douleur et la vie ne sont qu'intermédiaires !
- Le sais-je seulement quand celui que je fus
S'ignore et porte en lui le deuil de son refus.
Mon Dieu cela m'arrive...
Mon Dieu cela m'arrive de penser à toi
Comme à un survivant de la marine à voiles
Je me mets sous la lampe et je te dis Raconte
Le riz le poisson sec et le trafic des montres
Tu serais tout à fait comme l'oncle Isidore
Qui était roux de poil et qui peut-être est mort
Et qui laissait traîner dans le fond de ses malles
Un chapelet en bois de son pays natal
Ah ! Tu as tant et tant vécu et bourlingué
Que ton amour remonte en moi comme un noyé
Ce que je prends ce soir pour ton triste sourire
C'est la vague du sort qui berce le navire
Et celui que je vois et que je crois tout près
Est quelque part sur un rivage crucifié
Mais pas si loin mon Dieu que je ne puisse joindre
Mes deux mains sur ton front comme des térébinthes.
Louisfert
Pieds nus dans la campagne bleue comme un Bon Père
Qui tient sa mule par le cou et qui dit des prières
Je vais je ne sais rien de ma vie mais je vais
Au bout de tout sans me soucier du temps qu’il fait
Les gens d'aujourd'hui sont comme des orchidées
Drôle de tête et les deux mains cadenassées
Je marche dans le jour épais d'avant midi
Pauvre fils de garce qui n'en a pas fini
De mener ses chevaux sur la route sans ombre
Qui a grand'hâte et soif et ne salue personne
Car j'aime ce village emmuré de forêts
Et ses très vieilles gens comme des pots de grès
Qui tendent leur oreille aux carrefours des routes
Avec des mouvements qui font croire qu'ils doutent
J'ai choisi mon pays à des lieues de la ville
Pour ses nids sous le toit et ses volubilis
Je vais loin dans le ciel et dans la nuit des temps
Je marche les pieds nus comme un petit enfant.
La venue de Guillaume
Qu'est-ce qu'il y a donc dans l'air ce matin
Qu'on entend corner les autocars et siffler les trains
Ambassadeurs et rois ne roulent qu'en carrosse
Qu'est-ce que c'est que cette formidable noce
A des lieues de Paris la terre en est secouée
J'étais au lit et me voici soudain tout habillé
Et marchant d'un bon pas sur la route sans ombre
Vers une impossible et merveilleuse rencontre
Tu es vêtu de ta tenue bleu horizon
Avec un peu de plâtre de la tombe sur les galons
Et tu t'en viens d'un bord sur l'autre comme un homme ivre
A cause de tes poches qui sont bourrées de livres
Ah! Guillaume est-ce possible que tu sois
Seulement un fantôme de nuées quand je te vois
Les bras ouverts et me disant : Mon fils
J'arrive pour le dernier feu d'artifice
Je suis un peu en retard sur la saison
A cause de l'Histoire et à cause des gens
Mais dans la liberté complète de tes membres
Accueille-moi du moins comme un Onze Novembre.
La femme à l'enfant
Ma mère aux longs cheveux tu figures la Vierge
La Vierge un soir d'hiver en une salle d'auberge
Il est des gens nombreux et comme au Moyen Age
On touche la servante et l'on brise les tasses
Ce tableau d'autrefois n'est dans aucun musée
Mais tu as les yeux bleus des riches épousées
Dans les faïences du vaisselier de noces tu te mires
Parmi les coqs tu mets les fleurs de ton sourire
Tu es toute tristesse pour les buveurs qui battent
Leurs chiens maigres à grands coups de savate
Et tu me montres à tous en t'excusant un peu
De promener cette lumière au-dessus d'eux
Les nuits d'hiver sont comme lampes a pétrole
Fumeuses et chargées d'un détestable alcool
Si bien qu'on ne voit plus les poils ni les rousseurs
D'un braconnier qui joue dans l'ombre au Donateur
Et qui mêle des doigts les valets et les reines
En balançant l'atout comme on lance la graine
Un soir de lents corbeaux dans un ciel plein de vent
Qu'elle vive à jamais dans le coeur de l'enfant!
Le jeune homme de l'hospice
La toile de Roger Toulouse qui inspira ce poème
Quel est-il ? Quel revers terrible de médaille
Le figure debout dans l'angle d'un portail
De pierre pour le corps et d'océan les yeux
Très beau, de la beauté spéciale des apôtres
Dont la joue se ressent de la maigreur des côtes
Il rêve et dans l'absence on dirait qu'il sourit
Dans un trouble et parfait mouvement de niaiserie
Est-ce toi que j'attends comme on attend l'annonce
De quelque chose de grand pareil à la naissance
Tu me viens en paletot de serge qui sent l'herbe
Le lait cuit les harnais et les devants de ferme
Et dans ta poche près du menton tu as glissé
D'inutiles lunettes à verres fumés
Ah ! c'est bien toi visiteur bigle d'un autre âge
Racoleur innocent de secrets paysages
Je reconnais ta toque noire que portaient
Jadis Pasteur et les juges dans les procès
Que viens-tu me conter ? que comptes-tu m'apprendre
Que je ne sache point qui me fasse descendre
Un peu plus dans la nuit et l'abandon de soi
Jeune homme de l'hospice au visage de roi ?
L'homme au tablier de boucher
La toile de Roger Toulouse qui inspira ce poème
Derrière son oeil il y a de grandes places
Rouges avec des flaques sous les arbres verts
Pareilles à de lourdes campagnes qui tanguent
De tous leurs chevaux saouls et peignés de travers
Car l'innocence voit quand le cœur recompose
Dans la pupille étroite et figée de l'instant
Un pluriel univers dont la métempsycose
Redonne au vol d'oiseau les colères du sang
Tristesse dit l'œil bleu mais la narine ouverte
Epouse dans l'odeur les secrets de la chair
Je ne vois que le ciel qui poudroie et les bêtes
Menées de biais vers les étables de l'enfer
L'homme au tablier blanc marqué de cachets rouges
S'apprête du regard à un songe sans fin
Qui le malmène comme un vil mais le délasse
De cette crispation féroce de la main
Le couteau en suspens comme un graveur qui n'ose
Dans un doute suprême achever le détail
L'hypocrite boucher s'imagine des roses
Illuminant la nuit subite du bétail.
Comme un cri long de paysan...
Comme un cri long de paysan qu'on assassine
Au détour d'un chemin pour une montre en or
Et qui porte ses grosses mains à sa poitrine
Pour nouer le fil du sang qui le faufile encor
Une dernière fois le soleil de septembre
L'oeil vague avec au fond un reste de sourire
Se délasse du ciel et allonge ses membres
Sur les grands bois royaux où il fait bon mourir
Automne tu me viens dans ces vols d'hirondelles
Plus chargés de secrets que les isolateurs
Où battait l'inquiétude étroite de leurs ailes
Et qui dérangent les espaces de mon coeur
Tu peux crier puisqu'il le faut tu peux réduire
A rien tous les espoirs d'un été dévorant
Les feuilles et les glands qui tombent sur la lyre
Font résonner les cordes indéfiniment
Et je te vois toujours pareil à ma jeunesse
Au profil accusé par des meubles vernis
Beau miroir dont les eaux étales de tristesse
Se couvrent d'une brume de mélancolie.
Le dernier homme
Quand le lilas aura grandi sous la fenêtre
Quand toutes les essences d'arbres auront recouvert la planète
Un homme qu'on avait cru mort se lèvera
Et repoussant les feuilles rouges
Comme un drap
Se mettra à marcher tout nu dans la forêt
Très lentement d'abord sur la pointe des pieds
Il fera des centaines de kilomètres
Sans s'éveiller et sans s'y reconnaître
Puis un beau jour il se trouvera dans le grand hall d'une gare
Devant des banquettes moussues et des lanternes bizarres
Sans comprendre il suivra une petite voie
Qui le mènera un peu plus loin dans la profondeur des bois
Jusqu'à ce carrefour abandonné des sergents de ville
Où il y a parmi les fleurs une vieille automobile
Avec sa trompe en cuivre d'or près du moteur
Dont le son est celui d'un cor triste ou d'un cœur
Ah! Comme en peu de temps notre monde a changé
J'avais vingt ans et je ne suis pas si âgé.
Il découvre en allant les villes de la terre
Toutes fleuries comme un jardin de presbytère
Pareilles aux zinnias et aux roses penchées
Que j'ai vus en septembre à Germigny-des-Prés
Derrière cette église admirable de France
La plus vieille et la plus gardienne du silence
Mais il est mort depuis vingt siècles et ne sait pas
Que les pâquerettes sont aujourd'hui comme les lilas
Que les lys par-dessus les cheminées d'usine
Balancent leur odeur et leur grâce orpheline
Il voudrait s'arrêter ce soir d'automne en un hôtel
Où il y a des filles lourdes et des vaisselles
A filet vert portant un chiffre
Il est nu et il a les poches bourrées de livres
Il a soif de visages mais l'eau bleue des étangs
Est couverte de masques et de flocons d'argent
Si bien qu'il ne se voit lui-même et s'imagine
Aveugle avec un oeil mauvais dans la poitrine
Et cependant qu'il marche et qu'il espère encore
L'herbe de la forêt lui enseigne à mi-corps
Qu'il est vain de vouloir poursuivre et lui démontre
Qu'elle tient à son cœur comme chaîne de montre
Grandis-toi si tu veux monte sur tes épaules
Tu seras immergé dans l'eau noire des saules.
La nuit protège les enfants
Dans la chambre qui est à l'avant du navire
Où le chien dort
Où l'herbe pousse un peu partout
Sous la tirelire de la lampe
Je suis là
J'habite une maison douce
Et c'est l'hiver
On entend une locomotive
On entend une clé qui tombe
Au loin
Dans le sable
Soudain quelqu'un se met à remuer doucement
Ses mains
Une terre légère
Et du fond de la nuit voilà
Qu'une silhouette se détache
Et que celui qu'on croyait mort
Traverse en souriant les murs
Il est debout devant le feu
Il porte des souliers de chasse
Père réchauffe si tu le peux
Près de toi la petite place
Où nous dormirons tous les deux.
Quelque part et plus loin encore
Quelque part dans une maison pavée de carreaux rouges
Derrière un bois très loin à la limite de la neige
Après le rail
Et plus loin encore si tu peux
Au-dessus de la vieille photographie sans cadre
Très loin
Il y a une lampe
Comme autrefois une lampe
Avec de l'huile
Avec de gros doigts marqués sur le verre
Depuis mille ans l'horloge est arrêtée
Parmi des linges noirs et des poissons séchés
Mais la nuit
On entend distinctement la lampe
Comme un insecte dans le drap
Comme une très ancienne langue
Et la femme occupée à vivre se souvient
D'un enfant de son sang paré
De son mari dans la forêt
Qui tarde bien
Qui peut manquer
Et qui lui fait mal aux épaules.
L'homme de Jean Lurçat
En la forêt où sont les feuilles
La nuit quelqu'un de barbe enduit
Pressé pas plus d'un pas nomade
Dans le silence mal ourdi
De face atteint d'une blessure
Horizontale à bords ligneux
Le bleu maussade d'un azur
Jeté en poivre dans les yeux
Un homme beau comme un écueil
Sur la mer aux ventres flottants
Avec du sang dans les nervures
Pareil aux arbres du couchant
Il s'enveloppe de planètes
De raisins noirs d'oiseaux maudits
Donne du pied et de la tête
Contre la cloche de la nuit
Et la balance de l'orage
A son épaule suspendue
Accuse le vagabondage
D'une âme en quête de son but
Tandis qu'un soleil de fournaise
Mûri parmi les tournesols
Réchauffe l'ombre silencieuse
De l'homme élu parmi les fols.
Le Christ étendu
Comme une écharpe abandonnée
Comme un mouchoir de jeune fille
Il y a un homme étendu dans la prairie
Il y a un homme
Il y a quelqu'un derrière l'oseraie
Derrière la pluie là-bas
Derrière
Nul vêtement ne le protège
Et la terre
La terre par tous les temps
Est froide comme la neige
- Nous allumerons un grand feu
Avec des bûches de chêne
- Nous le mettrons dans la chambre des vieux
Sous des couvertures de laine
- Mon mal n'est mal que d'un moment
O bonnes gens - mes bonnes gens !
N'en ayez nul souci ni peine !
Mais cependant qu'on le soulève
Et qu'on entend au loin la pluie
Comme un oiseau frapper du bec
Contre les vitres de la nuit
Son cœur s'échappe en pierreries
Dans le ciel noir de la prairie.
Venue d'un autre
Le sommet de la côte et le pas du cheval
La nuit
Une cigarette qui brûle est un signal
Et soudain la route et les cailloux s'éclairent
On voit au fond
Le ciel est comme une rivière
Sur les toits et dans les branches d'arbres
Des enfants
L'air qui souffle d'en bas
Est un applaudissement
Serait-ce lui
Dans une carriole de mareyeur ?
Lui ou pas lui
Mais quelqu'un de meilleur ?
On vient voir de l'hôtel
Avec des vivres
De graves messieurs
Et des gens ivres
Chacun lui parle et lui demande remède
Il est pâle
Il est ficelé avec des cordes de piano
A une fenêtre encor toute rouge Dans son dos.
Les enfants ont tort chez les hommes
Les gens qui vivent près des terrains d'équarrissage
Leurs enfants rêvent
Et dans la peau d'un vieux cheval se glissent
Dès quatre heures
On voit une cheminée qui fume
Une maison maigre
Et des tabacs en fleurs dans un jardin
Ecoute-moi !
Tu passeras entre la cinquième
Et la sixième planche
A gauche
Sous les côtes de la bête
Un journal brûle
Et dans le ventre deux enfants
Habitués de longue date aux accroupissements
Disposent des craies
Des cartes
Et des poignées de porte
Le monde peut bruire
Le soir glisser comme une échelle
La mère fatiguée d'attendre
En cheveux courir les rues
Son fils à l'autre parle
A coups de poings
De pieds
Au seul qui sache.
Roger Toulouse
Trompe d'automobile
Ou vieux bugle de chasse
Par le chas d'un aiguille
La beauté passe
Et l'on entend parler la toile
Avec des mots
Comme les boutons de porte
Ou les coquelicots
On voit de ces bizarres ustensiles
En usage dans les lingeries
Et les asiles
Le jeune homme a beaucoup de peine
A cause des potences
Et à cause du ciel
Le jour se noie
Dans des vitres de plomb
A revers de médaille
Un boucher triste
Un képi rouge
Un lourd paquet d'entrailles.
Les voyages forment la jeunesse
Comme un homme qui va sur la route gelée
Une valise à bout de bras
Vers une gare approximative dans la forêt
Où ne s'arrête qu'un train sur trois
Je marche ce matin avec ma vie qui pèse
Le poids de la douleur et des justes denrées
Sans rien voir que ce commencement de soleil
Pareil à un fond de nid écrasé
Je prends mon temps comme un vaincu Arriverai-je
A cette minute douce entre deux années
Avec un peu de silence autour ?
En ai-je même le désir ? et que m'importe
Le paysage inhabituel où je vivrai
Ce ciel maigre avec des fientes sous la porte
Trop jaune sur un blanc mauvais!
Et c'est pourquoi tu tiens à ta triste valise
Qui te fait mal et qui te tire de côté
Où flotte la fumée d'une seule chemise
Très sale avec le bas des manches usé.
Noël
En évitant les grand-routes
Et les agglomérations
On se moque des gendarmes
Des menées de la nation
Et l'on injurie Hérode
Le vénal le malappris
Qui confond c'est bien commode
Les parias et les brebis
Mais on marche dans la neige
Et soudain l'on aperçoit
Un brin de fumée qui trempe
Dans le vase bleu d'un toit
On pourrait qu'en dis-tu femme
S'arrêter là cette nuit
Une fois n'est pas coutume
De dormir dans un bon lit
L'âne rit l'âne respecte
La parole du patron
Cependant Marie inspecte
D'un coup d'oeil les environs
Les voici devant l'auberge
L'aubergiste a beaucoup bu
Il sent le rhum et l'absinthe
L'estomac les oignons crus
Quand ils furent dans l'étable
Que Joseph eut bien pleuré
A la plus grosse des poutres
Une étoile s'alluma
Et le ciel comme une terre
Qui longtemps a manqué d'eau
Aspira jusqu'à son centre
L'enfant-roi dans son maillot.