Retour de Flamme

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Novembre 1938 - Mars 1939

Titre

Nous mettons tout
Je crois en toi
oiseaux (Les)
A son propre piège
Tout se passe
Coeur sur table
Saint tendit ses mains (Le)
Tu me regardes
Temps nouveaux
Je regarde
solitude (La)
Chambre ardente
Homme ne vois-tu rien
Il faut remonter
Episode
Coeur de pierre
Vision distincte
front lourd (Le)
Parle bas
Coeur à l'ouvrage
Je vais sur la houle
soleil (Le)
Dérive
Peu a peu
petite mousse (La)
Mort d'homme

 

 

 

 

 

 

 

Nous mettons tout en commun...

 

Nous mettons tout en commun

Sous la lampe

Tout ce que contiennent nos mains notre regard

Un ciel cent fois partagé

Un amour limité à sa forme la plus simple

Il ne faut plus parler de ce que tu dois

Tu es là

Et tu payes de ta présence

Tu peux compter sur moi

Puisque tu es la plus belle.

 

 


 

 

 

 

 

Je crois en toi...

 

Je crois en toi

Visage parmi les pierres veinées de soie

Le plus seul avec son courage

Le plus près de la terre

Sous sa taie de soleil

Tu glisses avec les algues de douceur

Entre les rameaux blancs les mains

L'humus découvert des saisons

Tu portes sur le front le tatouage des tempêtes

Les stigmates du fleuve

Derrière toi il y a tout un passé qui s'ouvre

Une enfance incertaine

Des pas inachevés

Le meilleur de toi-même que tu croyais perdu

 


 

 

 

 

 

A son propre piège...

 

Je vis à l'étroit

Entre mes yeux mes voix

Il n'est pas de visage que j'évoque

Sans me prendre à parti

Je suis sourd

Aux bruits d'abeilles des départs

A celui à celle qui m'appellent

D'un bout à l'autre de ma vie

 

Ils sont dressés sur le premier matin

Déjà jouent leurs visages

Les pétales fermés de leurs mains

Tout cela leur échappe

Sans que rien ne leur manque.

 

 


 

 

 

 

Les oiseaux ont emporté les arbres...

 

Les oiseaux ont emporté les arbres

Le vent debout arrête ce qui part

Il y a quelque part

La mèche vendue du soleil

Mais l'oreille est pleine d'abeilles

Et la tête tourne

 

Je n'ai plus rien à moi

Que ma vie sur les bras

Un coeur qui n'a pas son pareil

 


 

 

 

Tout se passe...

 

Tout se passe comme si tu étais là

Et des années-lumière nous séparent

Je n'attends rien de toi

Mon Dieu

Je ne crains rien de toi

Nous portons tous deux la même croix

Nos paumes se referment sur les mêmes clous d'or

Les mêmes fautes

Je te donne le meilleur de mon mal

Et ce regard de gel

Qu'un jour tu me rendras.

 


 

 

 

Tu me regardes...

 

Tu me regardes et ne comprends pas

Ce qu'il y a de soumission dans cette tête

Renversée sur son ombre

Tu ne vois pas les mains reprendre leur distance

La dernière goutte de l'œil éclater sur la joue

 

Quelque part pourtant il y a des caresses

Des paroles amollies aux gorges familières

Un ciel cousu de fils blancs

- Fils de la Vierge -

 

Et au-dessus de l'homme

Les hommes qui se répondent.

 

 


 

 

 

 

Coeur sur table

 

Je n'avance pas entre ces deux épaules

Mais le cœur me porte

Et je peux mettre en jeu

Ce qui n'a pas changé

Faire ma propre nuit

C'est en moi qu'est l'issue

Le bon vent qui s'allume dans la gorge

La chambre satinée de l'œil

La fausse tête se tait

Il n'y a plus une minute à perdre.

 


 

 

 

Le Saint tendit ses mains de bure

 

Le Saint tendit ses mains de bure

Il se fit jour

Dans l'échoppe endormie du matin

Toutes les fleurs se mirent à couler sur la terre chargée de lait

Tous les arbres brisèrent leurs claies pleines d'oiseaux

 

Passager du Seigneur

Voici la forge perdue dans le lit du torrent

L'armature quotidienne du vent

Le soleil égorgé dans la mansarde

 

Prends le blé dans le champ voisin

Le levain dans mes paumes

L'eau pure dans nos yeux

Pétris un solide visage

De silex et de sève

Et qui chante comme le pain.

 


 

 

 

Je regarde les yeux secs...

 

Je regarde les yeux secs

Un ciel bâti de toutes pièces

La taille dérisoire de l'homme

Qui se mesure à la rue

La trace des ongles sur le mur

Et les trous noirs dans les parures

 

Les visages rougis

Sont tournés vers la porte.

 

 


 

 

 

 

Temps nouveaux

 

Tout d'un coup

Le cœur est reparti dans un bruit de gâchettes

Le coeur a fait sauter la tête

On ne sait plus où va s'attiser le regard

Feu de paille !

Où vont ces lèvres vers quels fards

A quels seins vouer ses bras ?

Et si nos cris d'amour ne nous revenaient pas !

 

La terre est retournée

Les murs ont fait craquer leur torse de salpêtre

Les visages se sont ouverts avec les fenêtres

Le printemps a roulé sur les rails de la nuit.

 


 

 

 

Chambre ardente

 

Reste la chambre noire où l'âme se développe

Autour de mon front le pansement frais de tes mains

Derrière le mur cet homme qui parle de voyages

Qui n'a jamais sondé l'abîme de la rue

Et surveille la vie au bord de ses poignets

 

Voici la meule trop verte où rebondit l'angoisse

Le moyeu fragile de la poitrine

Les coulées de chaleur sous le tanin des doigts

La place toujours neuve pour le premier venu.

 


 

 

 

 

 

Homme ne vois-tu rien venir?

 

Homme ne vois-tu rien venir ?

Chaque jour

Je m'attends à quelque coup d'éclat

Je suis tout feu tout flamme

On peut compter sur moi

Mais l'horizon n'avance pas

Ce sont toujours les mêmes visages

Le même paysage

Le même cri d'un homme qui s'ennuie.

 


 

 

 

La solitude

 

Bel arbre noir dans cette chambre

Je te pare de tous mes soucis

Derrière moi

C'est le bruit d'ailes des portes

Qui se referment.

 

Tout ce qui tombe

De l'autre côté des épaules

Tout ce qui plane

Plus haut que la nuit

N'atteint pas mon visage.

 

Je cherche un homme en moi

A qui parler.

 


 

 

 

Il faut remonter plus loin...

 

Il faut remonter plus loin

Quand on avait le ciel sous la main

La tête dégagée la parole facile

On vivait chacun dans son île

Jusqu'au matin

Le soleil était un signe de ralliement

J'apportais l'air du temps

D'autres n'apportaient rien

Qu'un coeur d'or

Et c'était bien le meilleur lot.

 


 

 

 

Episode

 

Je ne sais rien de plus que vous

J'arrive de la ville le cœur barbouillé

Je parle seul et vite

Je suis pressé de tout me dire

Comme si j'allais perdre la mémoire

Il est midi

Et je me fais des signes

Car la lumière est transformée

D'un moment à l'autre

Les visages vont s'éclairer

- Quand il sera trop tard.

 

Des femmes et des enfants quittent Barcelone

A pied.

 


 

 

 

Coeur de pierre

 

Vous avez débordé les lignes de ma main

Les claies brûlantes de mon visage

Et le silence d'or de ma voix

Vous êtes séparées de moi

Douces épaules de mon courage

 

C'est l'homme qui rôde

Et je perds pied dans les sables vivants

Mon pas ne m'appartient plus

Ni mon ombre

Je ne sais rien de la nuit

Mais je vis

Et le monde se referme.

 


 

 

 

Parle bas

 

La bouche pleine de soleil et de laine

Il est temps

La terre s'ouvre les veines

Les hommes attellent leurs bras

Pour vivre

On attend les graines de ta voix

On attend chacun sa part

Chacun sa peine

Et les yeux sont coulés sous des filets de haine.

 

 


 

 

 

 

Le front lourd d'une cloche....

 

Le front lourd d'une cloche va soulever la nuit.

 


 

 

 

Vision distincte

 

Je commence à y voir clair

Près de moi

Quelqu'un fait la lumière

Je la reçois en pleine face

 

Les visages s'effacent

Tous les doigts se referment

Sur leur peau de chagrin

Les cœurs

Perdent leur mauvais grain

On entend des chansons

Comme au premier jour

Je vais prendre froid

Dans la verdure

 

Sur la terre comme au ciel

Une voix s'est levée.

 


 

 

 

Le soleil en met plein la vue...

 

Le soleil en met plein la vue

On a l'air d'avoir bu

La terre coule sous les talons

On a peur d'aller à reculons

L'oeil est mal à son aise

Il ne voit pas

Tout ce qui s'ouvre sous les larmes

Ces visages battus

Ces gestes entendus

Et l'horizon qui passe par toutes les couleurs

 


 

 

 

 

 

Coeur à l'ouvrage

 

Tout s'éclaire

L'oeil fait éclater sa paupière

La main quitte son gant de mousse

Au soleil de jeunes pousses

De vieilles peaux dans les greniers

Et les hommes sortent nus

Personne ne se reconnaît plus

Il n'y a plus de haine

On vit au jour le jour

Et tout le temps perdu

Est gagné pour l'amour.

 


 

 

 

 

 

Je vais sur la houle...

 

Je vais sur la houle luisante des poignets

La première fois je regarde l'homme

Découvre à son visage le défaut d'un sourire

J'entends monter sa voix dans les bennes du sang

 

Tu ne sais pas que je suis là

Dans le coin le plus sombre de toi

Mais le geste que tu avances

A la forme de mon bras

Ton pas l'éclat de mon angoisse.

 


 

 

 

Dérive

 

Je n'ouvrirai pas la porte d'écume

Qui scelle les creux bariolés de la mer

Ni les dunes bourdonnantes

Le soleil navigue dans les ramures méduse perdue

Une main se tapit dans l'ombre de mon bras

Ma voix frôle des voix têtues

C'est l'écorce de l'eau qui m'emprisonne

Toutes ses clés rouillées qui ferment ma gorge

Tous ses goémons sur le cœur

Pour me sauver

Je retranche mon enfance de ma vie

Mes premiers pas brodés d'herbe

Mes jeux dociles

Je vis avec lenteur.

 


 

 

 

Peu à peu...

 

Peu à peu

Je me suis perdu de vue

Je me faisais honte

Avec mon cœur à nu

Et ces graines sous les paupières

Ces pas toujours en arrière

 

Quelque part dans un champ clos

Mon corps pend aux fils de fer

Avec tout le ciel sur le dos.

 


 

 

 

La petite mousse thermogène du soleil...

 

La petite mousse thermogène du soleil

Colle à ma poitrine

Les arbres les plus grands sont à ma hauteur

Je regarde et je vois

Que je suis debout sur le toit

Que le ciel n'est pas si haut

Pour celui qui connaît ses mesures

Les oiseaux sont bien au-dessous de moi

Avec leurs pauvres ailes

Bien bas l'homme qui se cherche

Dans l'ombre

Bien douce l'ombre qu'on a sous les yeux

Et la mer avec ses étoiles.

 


 

 

 

 

Mort d'homme

 

Il y a un homme renversé sur la chaussée

Qui n'en a pas pour longtemps

Un homme qui n'a pas trente ans

Avec de belles épaules

Un corps doux à porter

Il faut être fort

Pour se tuer en plein été

 

On passe sans saluer

Mais ses yeux sont de l'autre côté.