Dessin de Cadou par Roger Toulouse
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1939
Le cœur au bond
Rien n'a changé
Les fleurs du paravent montent jusqu'au plafond
La serrure secrète retrouve sa chanson
La fenêtre est ouverte
Je regarde courir la Loire jument verte
L'écume des corbeaux qui flotte au bord du toit
C'est toujours toi qui m'accueilles
Au bas de l'escalier
Des algues de lumière enchaînent tes épaules
Et le serpent de ciel aurait pu t'étouffer
Quand tes mains voleront sous les prèles
Quand la terre baignera tes paupières fossiles
Je reprendrai la vie où tu l'auras laissée.
Glace rompue
Midi minuit
On ne sait pas
On ne regarde pas plus haut que soi
Les yeux dans les yeux
C'est un étonnant paysage
Si c’était vrai
Sur la glace
Le visage qu'on quitte sans regret
La bête noire dans l'ombre
Et la Belle
Les draps de lit défaits
Les échardes de soie qui saignent les poignets
La boucle...
La boucle de ton œil a fermé mon sourire
Parle pour toi
Parle pour toi
Tu es seul à comprendre ce qui nous sépare
Dans l'angle de tes bras sont scellés les départs
Tête haute
Entends ton cœur qui rue très fort contre tes côtes
Les pierres se fendre sous la chaleur de tes pas
Le déclic de la main qui regagne la tempe
La cire neuve de l'oreille retiendra tout cela
Et les bourdons de la mémoire.
Joie courte...
La terre s'est retirée
Dimanche
Tous les hommes sont couchés
Au-dessus des mêlées
On entend le ciel rire
A cloches déployées
On entend les oiseaux qui ont sauté le mur
Demain
Ce sera la tête confondue dans une déchirure
La baie de la poitrine ouverte sur le cœur
Le cœur à nu
Le trapèze trop lisse la paume retenue.
La nuit les bras sont gris
La nuit les bras sont gris
On se laisse prendre
Une main passe de haut en bas
Et c'est le corps qui s'en va
Dans les draps neufs de l'amour
La boucle couvre le visage
Le front n'est plus qu'une petite tache
Belle comme le jour
Te voilà nue
Ce n'est pas une raison pour trembler
Tout le ciel pour te parer.
La part de Dieu
Fais vite
Ton ombre te précède et tu hésites
Derrière toi on marche sur tes jeux brisés
On referme la porte
Et les heures sont comptées
Mais la vie la plus courte
Est souvent la meilleure
Tu diras au Seigneur
J'apporte mes mains vides
Le peu de sang liquide
Qui frôle encore mon cœur
Ces regards sans fierté
Ce manque de chaleur
La croix que vous m'offrez
N'est pas à ma hauteur.
La nuit la mort
Ecoute
Il y a celui qu'on attend
Et qui est mort en route
Celle qui prie
La porte se referme
Ah les premiers soucis
Les mains qui saignent
Les orphelins dans l'ombre qui se plaignent
La nuit
Les fleurs de réverbères qui s'ouvrent
Sous la pluie
C'est elle
On entend rire tout bas
La rue fermée sur les derniers pas
Celui qui dort l'échappe belle.
Calme plat
Le vent ne lève plus les pupitres des toits
Tout change
On peut baisser la voix
La tête se redresse
Mais rien ne presse plus
La feuille reste blanche
Derrière les mains on partage
Les graines de soleil triées sur le volet
Et chacun cherche Dieu
Parmi les hommes de son âge.
5 quai Hoche
La nuit
La ville morte
Et la clé sur la porte
Les malles closes
Derrière ce mur tant de choses
Qu'on n'emporte pas
Tout ce qui perce encore le plafond
La trace chaude de mon front
Sur la vitre mouvante
Les douze coups de l'épouvante
Entre le ciel et moi
Et la lune qui règle la marée des toits
Un pas de plus
Et je tombe entre tes mains
Ma tête roule sur ton épaule
Tout seul
Je n'aurais pas retrouvé mon chemin.
Mauvais départ
On ne sait qui vit
Qui meurt
On est tout à son malheur
D'être encore là
Quand le soleil vole en éclats
La fenêtre ah la fille de l'air
Les ablettes dans la rivière
La grande boucle au loin
Etre celui qui part
Et n'est jamais rejoint
Je pars
Mais mon coeur a déjà des années de retard
Les poètes prisonniers
Silence
On tourne dans la chambre
Où l'hiver nous rassemble
Autour des mêmes craintes
Ecoutez dans la rue
Les étoiles qui tintent
Personne ne nous attend
Personne ne nous entend
Et c'est un grand bonheur
Mettons-nous à table
Tous en coeur
Partageons nos misères
Prends dans ma main
Bois dans mon verre
Je me mordrai les lèvres
Pour tromper ma faim.
Déchire sur mes dents...
Déchire sur mes dents le bâillon du silence
Peine de mort
Je suis prêt à vous suivre
C'est encore une chance de vivre
Un moyen comme il faut pour mourir
Et l'idée d'être un homme
Me donne envie de rire
Regarde-moi
Je ne veux que tes yeux pour me photographier
Tes cils sont plus secrets que les fils barbelés
Je pars sans haine et sans défense
Où sont les clés de mon enfance
Le dernier carré de ciel bleu
Et ceux qui partageaient leur cœur
Pour me donner la préférence.
Condamnation à vie
Le cœur au bond
Je n'ai pas changé ma douleur d'épaule
L'aiguille noire de l'index donne le pôle
Et je suis seul à savoir où je vais
Le visage découvert
A quel cheval-amour vont s'atteler mes bras
Où bat ce cœur dans quelle eau morte
Quelle main fermera la porte
La ligne d'horizon au fond de la serrure
La route au pied du mur
Et les oiseaux qu'on voit fleurir dans la verdure
La tête sous la cendre
Le plafond par où descendre
Dans le ciel
Les faux départs inscrits dans les cadres dorés
Les moussons fraîches de la fenêtre
Celui qui vient de disparaître
A tout emporté.