Hélène et René sur la Loire

Héléne ou le Règne végétal - Les sept Péchés capitaux

Sommaire


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Titre

solitude (La)
amitié (L')
beauté (La)
liberté (La)
poésie (La)
tristesse (La)
amour (L')

 

 

 

 

 

 

La solitude

 

Avec une feuille tombée

Avec le trop plein d'un seau

Avec cette lampe aux neufs d'or

Sur la desserte de la neige

Quand il a bien fait froid dehors

Avec une route où s'avance

Un cheval qui n'est pas d'ici

Avec l'enfant glacé tout seul

Dans un autocar de rêve

Avec des villes consumées

Dans le désert de ma mémoire

Un ciel d'épines et de craie

Où le soleil ne vient plus boire

Avec l'idiot désemparé

Devant ses mains qui le prolongent

Et dont le coeur comme une oronge

Suscite un désir de forêt

Avec toi qui me dissimules

Sous les tentures de ta chair

Je recommence le monde.

 


 

 

 

 

L'amitié

 

- Qu’est-ce qui passe ici si tard ?

Un chemin creux n'est pas un boulevard

 

- C'est un ami des temps anciens

Voyageur seul et sans bagage

 

- Femme prépare les vins fins

Les liqueurs des chaussons de feutre

 

- Ne viens pour boire ni manger

Mais pour parler des années douces

 

Max Jacob retour de Quimper

Le chat roux le quai de la Fosse

 

Fosse au passé fosse au remords

Ne te dérange pas si tu dors !

 

- Et pour qui me dérangerais-je

Sinon pour vous Amis les Anges ?

 

Les salles tristes du collège

Mais les dimanches sous les pins !

 

Je te retrouve après quinze ans

Mon lointain mon parent trop rare

 

Faut-il que tu passes si tard

Dans le corridor du destin !

 


 

 

 

 

La liberté

 

Embarquez-la comme une esclave blanche

Pour une île

Et laissez-la aux indigènes sur la plage

Décoiffée seule

Avec un pauvre corsage

Ou perdez-la si vous voulez au fond d'un gouffre

Parmi des chiffonniers et des gosses

O bien-aimée tu es debout devant ma porte

Et nul ami au monde n'est encore levé

Tu as grandi durant la nuit et tu retombes

Comme une glycine sur la mer

Tu es chez toi dans ma maison

Tu peux bien disposer

De ma femme de moi de mes outils rangés

O bien-aimée tu es confuse de tes armes

Tu les polis comme un miroir

Je le sais

Tu voudrais m'emmener

Comme un tranquille sous les arbres

Mais tu remues en moi tes deux ailes fermées.

 


 

 

 

 

La beauté

 

Quand la croix fut enfin dressée

Que fut visible son Visage

Soldats et sergents retirés

Un peu à l’écart pour souffler

En vérité dit une femme

Corps supplicié cache belle âme

Ai perdu fils époux et père

Sans que douleur fut si amère

Depuis trente ans sujette aux rêves

N'ai vu plus fin sourire aux lèvres

Ses pieds à jour ses mains qui saignent

On dirait plantes à groseilles

Et ses cheveux j'en veux périr

Sont touffes bleues de myosotis

Dessous son sein perle une perle

Capable d'abuser un merle

Ses joues son front dedans la face

Sont comme miroir à trois faces

Mes soeurs croyez ce que je dis

Beauté est fille en Jésus-Christ.

 


 

 

 

 

La poésie

 

Je te cherche sous les racines de mon coeur

Comme un enfant à l'intelligence retardée qui a peur

D'entrer dans l'eau qui parle seul et fait bouger ses mains

« O mon Dieu permettez que cette eau ne me broie pas comme Votre Moulin »

Je m'attarde résolument près des colchiques et des saules

Laissez-moi regarder par-dessus votre épaule

La route qui poudroie et l'herbe qui verdoie

Sans désirer jamais autre chose que cela

Mais Dieu qui n'entend pas l'amour de cette oreille

« Tu descendras au fond de toi et je surveille

Tes allées et venues Tu me dois de trouver

Dans l'eau de mes regards la noisette tombée »

Les yeux vagues ainsi qu'un veilleur de frontière

De songerie malade et de sens abîmés

Je plonge doucement mes mains dans la lumière

Sans penser un instant à les en retirer

Car il me plaît d'aider un corps qui s'aventure

Et cherche par delà sa forme préférée

Le spectacle d'une âme aveugle qui murmure

Le long du mur en pierre de l'éternité.

 


 

 

 

 

L'amour

 

La double pêche de tes seins

Dans la coupe de la journée

Voici que ton ventre se lève

Entre les branches du figuier

Que la chambre se met à battre

Comme une tempe délicate

Et qu'un versant du ciel inonde

Etendue la plus belle au monde

Sous ta douce main déroulée

Pareille aux crosses de fougère

Pénétrerai-je le mystère

D'une chair à l'âme gagnée

Comme une eau très fraîche qu'on tire

Avec lenteur du fond du puits

Tu te recouvres d'une buée

Qui dissimule ton sourire

Mes doigts possèdent le secret

De t'éveiller de t'épanouir

De te perdre avant de dormir

Comme une enfant dans la forêt.

 


 

 

 

 

La tristesse

 

Embarqués dans le train de nuit qui ne s'arrête jamais

Sans avarie possible de machine sans espoir

D'entendre battre au loin une petite gare

Ses volets verts et la pluie grise de son timbre

Mais la grande fuite éperdue dans une éternité malingre

Anna ma mère dans la couchette du wagon

Et mon père au-dessus qui la protège de son affection

Je vous vois l'un et l'autre dans ce même lit où je suis né

Je suis couché entre vous deux

Et vous n'avez plus de place pour vous retourner

Je prends dans mes deux mains vos deux mains qui s'éteignent

Pour qu'elles soient chaudes et farineuses comme des châtaignes

Quand la braise d'hiver les a longtemps mûries

Ah ! Croyez-moi ! je ne sais rien de plus atroce

Que de vous laisser partir seuls pour ce voyage de noces

Que d'attendre durant des mois et des années

Derrière la fenêtre étroite et grillagée

Le passage de l'ange essoufflé qui m'appelle

A l'aubette perdue dans les genêts du ciel

Où le train qui vous mène est enfin arrêté.