Morte-Saison. Dessin de Pierre Penon. Avant-poèmes de Michel Manoll. R. Debresse.
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Saisons du coeur
Je ne sais plus si c'est ma joie
Si c'est ma peine
Si dimanche commence ou finit la semaine
Il est trop tard
On parle de l'amour
Et toujours sans savoir
Les mots s'envolent
Il y a des baisers coulés dans les paroles
Des larmes sur la main
Un grand ciel de printemps au fond du lendemain
Un grand soleil
La nuit mon cœur qui bat trop fort
Et me réveille
Les ailes des oiseaux sur la gorge du vent
Tous ces matins perdus
Ces haines à renaître
Et ceux qui ne voudront jamais me reconnaître.
La maison riche
Reviens sur tes pas
L'heure sonne
Dans la maison d'en face il n'y a plus personne
Les gens sont arrêtés
On dit qu'ils avaient mis tout le ciel de côté
La femme était très belle
Quand la nuit s'allumait
On ne voyait plus qu'elle
Et le jour on perdait son temps à la chercher
Son homme n'était pas facile à approcher
Ah ! La porte est ouverte
Les rideaux sont tirés
Ta place est retenue sous la lampe déserte
Laisse ton coeur avant d'entrer
Parle bas
Regarde
Le Seigneur a dû passer par là.
C'est bien toi...
C'est bien toi
Je ne t'ai jamais vu
Et je te reconnais
Tu es celui que j'attendais
Prends la lampe
Appuie-toi sur mon bras
Il n'y a pas de rampe
Monte encore plus haut
Tu sais
On n'est jamais trop près du ciel.
La vie promise
La rue s'est refermée
Une tête est tombée
Celui que j'attendais s'est trompé d'escalier
Les jours passent
A l'ombre de mes bras
Un homme s'est levé
Pour aller jusqu'à Dieu je n'ai rien oublié
Quelqu'un pleure
S'il le faut je serai celui-là
Dans une heure
Le vent aura tourné
Tous les oiseaux seront noyés dans la verdure
Tu comprends
Et déjà tu changes de figure
La main s'est retirée
C'est ton coeur désormais qui boucle l'aventure
Ne plus penser...
Ne plus penser à rien
N'être là pour personne
Des fleurs sur le chemin
Une cloche qui sonne
Ce visage qui brûle à portée de la main
Et si tu veux mourir
Il fera jour demain
Chance possible
Nuit noire
On marche dans le vent de sel
Et le brouillard
Le cœur chavire
On ne sait plus si c'est la terre
Un beau navire
Ou la vie qui s'en va
Et le ciel claque sous nos pas
Les pierres chantent sur nos têtes
Quand l'homme sera là
Nous reprendrons la fête
Les mains ont débordé
Le vent baisse la voix
Quelqu'un parle de moi
Sous le front de la lampe.
Plein coeur
Il fait bon le matin
Un homme ouvre la route sur le toit
Les oiseaux qui tombent goutte à goutte
Dans la chambre à côté les mines épanouies
On oublie les soucis
Le meilleur de sa haine
Tous les yeux sont tournés vers celui qui revient
Et ceci est mon bien
Crois-moi
Si c'est ta peine.
Partie perdue
Rien ne sert de partir
Il faut vivre
Etre là
Au bord du feu-berger qui ramène les doigts
Dans la main du soleil où bourdonne midi
A la pointe du cœur où glisse le souci
Sous le chaud de l'averse
Quand le corps se raidit
Quand le jour se renverse
Quand la dernière lampe éparpille la nuit
On recoupe un visage
En quel état je suis
Ces paumes défleuries
Roseaux de mon courage
Et le mur à lui seul est tout un paysage
Navarrenx
Le cœur s'est refermé
Les mains se sont éteintes
Sous le toit défleuri
La misère qui tinte
Mais les oiseaux sauvés
La dernière clé d'or allumée sur la porte
Et les chiens d'aube qui rapportent
Quelques lambeaux d'été
Des plumes de lumière
Les cloches réveillées au fond de la rivière
Tout le ciel de côté
Chacun reprend courage
Et la route est partie sous l'aile de l'orage
L'homme sur sa chanson
Que le plus clair de nous éclaire ton visage.
Champs libre
L'océan bat son plein
La barrière est ouverte
On voit des chevaux d'or brouter les plantes
Les deux bords du chemin
Les guirlandes de ciel qui passent par nos mains
Un visage se lève
Soir et matin le même rêve
La peau douce du vent
Je pars dans le soleil et tu marches devant
Le temps presse
A chaque pas vers toi je tombe de faiblesse
Le coeur ne répond plus
Je gagnais ton pardon si tu l'avais voulu
Sur le mur qui chancelle une ombre s'épanouit
Un reflet nous égare
Une voix dans la nuit.
Trop loin
Tout se passe en silence
Le ciel est rétabli
Le soleil se balance
On vit sans rien de plus dans la douceur du sang
Où es-tu maintenant
Les jours se suivent se ressemblent
Les mains fragiles se rassemblent
Et la lumière est dure
L'homme a perdu son ombre au fond de la verdure
J'écoute
C'est bien moi
Je suis seul sur la route
Mon passé sur le dos
Dans ma gorge enflammée un bouquet de sanglots
Porte de secours
Tout ce que j'ai laissé
Le ciel où je m'enfonce
La parole étouffée dans la cendre et les ronces
Les larmes dans un coin
Tout ce qui était moi
Dont je n'ai plus besoin
Les roses de ma peine
Un peu d'or oublié au fil de la semaine
Je n'ai rien à gagner
Au bord des mains désertes
Une tête a roulé qui ne parlera pas
Mais la porte est ouverte
Et le dernier venu a fait le premier pas
Fausses présences
Tous les bruits disparus au tournant de l'oreille
Les monstres défraîchis
Les ailes du réveil
Le chant de l'homme au loin
La main blanche du vent sur le cou des sapins
Le ciel sans une ride
L'odeur d'un inconnu à cette place vide
Ce qui touche le fond
Les bêtes familières
Un buisson de soleil au beau milieu du champ
Et le cœur qui s'en va sur l'arbre du couchant
Les pampas de l'orage
J'ai tout perdu
Et mon propre visage
Ce qui tenait à moi par des attaches d'or
Volet qui ne bat plus
Et qui m'écrase encore.
Cri du coeur
Il faut revenir en arrière
Le vent qui mène tout reprend la terre en mains
On tourne les chemins
On soulève les pierres
Les racines du sang déchirent les paupières
C'est plus loin qu'il faut voir
Par-delà les orages
Par-delà les oiseaux qui bouclent les villages
Dans un ruisseau de soie que rien ne peut tarir
Quand le coeur va parler
Quand tout va repartir
Quand la peau du soleil glissera sous la porte
Je serai le premier sur les pas du matin
La voix n'est pas changée
Le mystère est le même
L'épaule est retombée sur le bras qui chantait.
Retour à l'aube
Un bouquet de soleil danse dans la serrure
Les tables sont fleuries
On glisse les parures
Une main cache encore les écluses dorées
Tout ce qui dort a son secret
Le village enfoui sous la lampe
Les oiseaux perchés sur la rampe
La feuille blanche du plafond
J'ai reconnu ton pas
La voix-fée de la porte
Le cri désespéré d'un homme qu'on abat
La chambre sous le toit
Et la petite morte.
Pétales de voix
Il faut tout dire
Ecoute
Un coin des lèvres se déchire
Il y a le grand vent
Un filon de soleil dans la houle du temps
Pour toi la nuit entière
La douleur sous la main
L'eau fraîche sous la pierre
Et l'homme qui se lève au fond du lendemain
Sur les flancs du chemin
L'écume de la terre
Au bord de l'horizon
Des guirlandes de pas
Ce qui force le coeur
Et qui ne revient pas
Comme elle était danseuse...
Comme elle était danseuse-étoile
Elle s'éteignit un beau matin.
Voir venir
Il y a des mains des feuilles qui tombent
Ce soir un nouveau jour
Dans les draps du matin le sillon de l'amour
Les neiges déployées
Les cheminées d'usine
Celui qui marche au fond de l'ombre
Et qu'on devine
Un guichet de lumière
Une cloche en retard
Cet ami inconnu qui remet son départ
La même voix qui recommence
La même plainte
Et un silence
Toujours la même allure
Des bouquets de moineaux piqués dans les ramures.
Carré parfait
Rue déserte
Coup manqué
Au loin deux ombres vertes
Le sang noir de la nuit finit par nous sauver
La peau qui m'étouffait tombe sur le pavé
Je respire
Un moment
Et mon coeur est parti sans rien dire
Une aile au bord du poing
Et le toit s'est levé
Ah! la belle musique
On pourrait s'y tromper
Mais l'homme qui chantait sur la place publique
Oubliant la mesure
Aura tout écouté.
Orage
Quel orage
Un homme va mourir
Au quatrième étage
Il est beau
Il a froid
Un bouquet de draps blancs se fane entre ses doigts
La fièvre baisse
Il rit
Et ses yeux sont déjà dans la lumière épaisse
Je n'entends plus ta voix
Comme il pleut sous la lampe
Le flot noir s'est éteint
Ton bras boucle la rampe
Une cloche a roulé sous les pas de satin
Automne 40
On ne vit plus
On tourne en rond
Au fond du vide
Ce sont toujours les mêmes rides
Les voix trop basses
Et la corde tendue sur le cœur
Qui se casse
Les uns sommeillent
D'autres se sont parlés de la mort
A l'oreille
Tu ne m'attendais pas
Je refais l'ombre
Me voilà
On pleure
Je suis du nombre
Ma place est retenue dans le coin le plus sombre.
L'enfer de chaque jour
Ce qui n'affleure plus
La neige au fond des mines
Le sang bleu de l'acier dans le cœur de l'usine
La paupière du toit
Les couleuvres jolies qui glissaient dans ta voix
Les algues de la terre
C'est l'épaule du ciel qui retombe en poussière
Et les arbres se couchent
Dans les rues de la mer passent des hommes louches
De lourdes cargaisons
On ne sait plus si c'est l'étoile
Ou la prison
Rien ne passe
Sans qu'elle soit partie
On a perdu sa trace
Belle main que ton souffle achève de ternir.
Nuit facile
En bas
La route brille
Un œil ouvre sa grille
On voit venir l'averse
Dans le sang frais moulu
Le cœur qui se renverse
Ah! Comme c'est nouveau
Sans quitter la maison
Ce qui berce le monde
La main qu'il faut donner
Pour entrer dans la ronde
Tout ce qui mousse encore
Le feu
Le dernier cri
Les ailes du remords
Et le pas du marin qui boucle sa patrie
Sur le coup de six heures
Le vent
Le bruit qui court
La bouche familière
Au bord de la prison
Les flambées de velours
Mais le coeur sans relais
Et le plafond trop lourd
Il reste la nuit claire
Un bouquet sur la table
La joue pâle du ciel qui s'allume au grand air
Le drap léger des cloches
Une ombre
Et ces poings noirs qui grignotent mes poches
La pluie s'est arrêtée
Un homme en est sorti
Main-ramier du printemps
Qui retrouve la page
Derrière la porte
Sur la clé la main tremble
Il y a cet ancien portrait qui me ressemble
Ce mur
La table vide
La vitre où le soleil sèche un bouquet de rides
Une flamme légère
Les nuits blanches gravées sur les taies de poussière
Au loin des tuiles rouges
Les plis du vent défaits
Le monde entier qui bouge
Et le cœur du matin qui n'a pas de secrets
Bel homme
On se voit mal
Relève un peu la tête
Je baigne dans tes yeux
Mieux que dans l'eau du jour
L'amour du feu
Je n'attends pas la fin
Demain tout recommence
Les mêmes coups de feu à l'orée du silence
Le ciel qui tombe au loin
Et la flamme du sang qui me lèche la main
Ce n'est plus un mystère
Entre la lampe et Dieu l'épaule touche terre
On parle
Et rien n'est dit
Il y a les départs manqués au bord du lit
Ce qu'on prend
Ce qu'on laisse
Au milieu de la nuit les moussons de tendresse
Une porte qui bat
Le visage est changé
Mais tu n'y perdras pas.
J'entends clair
Il pleut
Le toit me berce
Un cheval qui rêvait s'envole sous l'averse
Un oiseau se débat
Tu glisses vers la nuit
Mais je ne comprends pas
Le ciel est dans la place
Un visage déteint veille au fond de la glace
Une horloge s'éteint
Le couperet de lune
Et les bois du matin
Je respire
On soulève ton cœur à travers ton sourire
Homme plus grand que moi
Ta main tremble
Et tu mens pour la première fois.
Heure d'hiver
Les baguettes du vent
Sur la peau des lauriers
Quelques tâches de cendres
Vas-tu monter
Descendre
T'épanouir à mes pieds
Mais j'aurai beau crier
Tu ne peux plus m'entendre
La porte a frissonné
Une main traîne encore sur la cheminée
La rue s'éveille
On voit le mur pencher lentement son oreille
Un arbre dans le fond
La maison qui chavire
Et le trou du plafond
Plus près
Celui qui dort
Celui qui fait le mort
Et l'ombre qui nous frôle
C'est là que je t'attends
Au bord de mon épaule
Sous la main
Tu es là
Sous la main
Chaleur inimitable
Et dans le vent fermé
L'odeur-femme du pain
Ami je te retiens
Approchons-nous de la table
Il neige
On entend dans la rue les grelots d'un solfège
Un pas lourd sur le toit
Tu ris
Et tu frôles mon coeur
Il fait froid