Louisfert en Poésie, mars 2022 Notre demeure a sept fenêtres… Notre demeure Sept fenêtres Sept fenêtres Dans le feuillage de l’été. Hélène Cadou « Retour à l’été » 1993 Cette belle maison du début du XXe siècle avec ses parements de pierres bleues, des pierres de schiste de Nozay, est devenue aujourd’hui la Demeure de René Guy et Hélène Cadou, une maison d’écrivains. Cette école de garçons a accueilli en 1945 un instituteur-poète avec son épouse Hélène. Ils connaîtront le bonheur, l’amitié partagée avec de nombreux amis mais aussi la souffrance. « Pourquoi vous pleurez Madame ? Vous reviendrez un jour… » lui avait dit un enfant en 1951 au moment où Hélène quittait Louisfert après le décès de René. En 1971, Hélène est revenue à Châteaubriant à l’occasion d’une grande exposition réalisée par Noëlle Ménard, à la Bibliothèque Municipale … En 1981, à l’occasion du Colloque CADOU à l’université de Nantes, Hélène a retrouvé Louisfert et est entrée dans la chambre du poète « inoccupée » par l’instituteur de l’époque Jacques Feuillet. Elle a découvert qu’un projet de nouveau groupe scolaire était dans les cartons… Ce n’est qu’en 1988 qu’Hélène apprendra – quelques temps avant sa retraite – que la municipalité de l’époque envisageait de transformer l’école pour y accueillir le club du 3e âge ! Nul n’est poète dans son pays et Hélène devra attendre l’année suivante avec l’arrivée d’une nouvelle municipalité dirigée par Michel Ledevin, ancien élève de René, pour que le rêve devienne réalité. Les témoignages de Bernard Richard en poste à la DRAC de Nantes, de Madame Chassagne, sous-préfète de Châteaubriant attestent de l’engouement qui va naître pour voir aboutir le projet de la Demeure de Cadou et de la Grange aux Poètes – ancienne salle paroissiale, réaménagée en salle de spectacle et en bibliothèque. Témoignage de Bernard Richard
En janvier 1965, l’hommage a lieu : exposition, poèmes dits par des comédiens, rencontre avec Manoll, Lacôte, Guilloux. En parallèle, l’Almanach de janvier (numéro 13) est consacré à la poésie, avec le titre « Poésie la vie entière ». C’est un succès. A partir de là, je suis resté en relations avec Hélène, avec un passage-éclair à Orléans, en 1969-1970, pour la préfiguration de la Maison de la Culture, puis pour des responsabilités plus lointaines à Grenoble, Aubusson et Montpellier. -1984 – Vingt ans plus tard, j’arrive à la DRAC de Nantes, sur proposition de Dominique Wallon, responsable du « Développement Culturel » au Ministère de la Culture, comme « Délégué pour le théâtre, le cinéma et l’action culturelle ». Retrouvailles à Nantes, avec Hélène ! Elle me fait part, alors, d’un projet, encore imprécis, autour de Cadou et de la Maison d’Ecole de Louisfert. L’idée mûrit en moi, d’apporter le concours de l’Etat à partir de ma « Délégation culturelle ». J’en vois bien les difficultés – la poésie en milieu rural … mais j’ai acquis une certaine expérience en Creuse (à Aubusson), et je vois, surtout, le caractère singulier, exceptionnel même, de la présence d’Hélène, veuve du Poète, poète elle-même, prête à faire revivre, de l’intérieur, la maison d’école ! Avec l’accord du directeur de la DRAC et la collaboration de ma collègue déléguée au livre et à la lecture, je me lance dans l’aventure. Travail classique sur un projet culturel : rencontre avec les élus concernés – dont Monsieur Ledevin, alors maire de Louisfert et ancien élève de Cadou, fidèle soutien ; les collectivités locales, les divers acteurs culturels. Travail plus facile que prévu, certains s’engageant même avec enthousiasme. Pari finalement gagné, avec, en point d’orgue, la commémoration du cinquantenaire de la mort de Cadou au printemps 2001 : poètes, chanteurs, amis, ils sont là nombreux, de la nouvelle école à la « Grange aux Poètes » : Georges Jean, Véronique Vella, Eric Hollande, Martine Caplane, Gilles Servat, Môrice Benin, Manu Lan Huell etc… Comme prévu, Hélène a, de l’intérieur, entretenu la flamme de la poésie, séjournant l’été dans la Demeure, y accueillant, avec simplicité et ferveur, de nombreux visiteurs. Elle a, discrètement, contribué à la restauration de la Demeure, par exemple pour la chambre du poète, reconstituée quasiment à l’identique par Xavier Ménard, et aussi pour le petit musée abrité dans la classe d’école, avec les pupitres des élèves. C’est dans cette classe que, le 23 juin 1995, lui sera décerné, par le Directeur de la DRAC, au nom de l’Etat, le titre de « Chevalier des Arts et Lettres ». Que « Louisfert en Poésie » soit pour toujours, le village, si bien nommé par Manoll, des deux poètes centenaires : René Guy et Hélène CADOU ! Bernard RICHARD, Combes, le 30 janvier 2022.
Témoignage de Madame CHASSAGNE – février 2022 René Guy Cadou avait choisi « à des lieues de la ville pour ses nids sous le toit et ses volubilis » Louisfert, pour y enseigner, pour y rêver, pour y écrire, pour y vivre avec Hélène son épouse et sa muse. De ce choix naissait un début de renommée pour ce village simplement charmant. Alors le maire et la municipalité, inspirés par Mme Cadou, conçurent de faire connaître les lieux de vie du grand poète ; ainsi naquit le projet de la « Demeure Cadou ». Dans l’aura du rayonnement d’Hélène, nous devenions tous lyriques, c’était merveilleux, c’était délicieux. Grâce à la bonne volonté de tous et surtout à la suave détermination de Mme Cadou, le dossier avançait. Sa seule présence ranimait les ardeurs parfois désabusées ou défaillantes comme elle aurait, Vestale, entretenu le feu sacré de la foi. L’inauguration arriva, c’était bien, la suite vous la connaissez mieux que moi. Nathalie-Janine Chassagne
...La réalisation de ces deux structures sera financée à 80 %par des subventions... En 1993 c’est « le retour à l’été » pour Hélène qui de mai à septembre va s’installer chaque année dans cette maison réhabilitée par Xavier Ménard, architecte… Hélène a reconstitué à l’étage, la « chambre d’écriture » comme l’appelleront les élèves de l’école primaire. La bibliothèque, la malle de voyage, le divan, le coq offert par Max Jacob, tout a repris vie dans cette « chambre à l’avant du navire » dont les fenêtres s’ouvrent sur « la ruée des terres ». La salle de classe conserve son parquet… mais la nostalgie de l’école ancienne est rejetée par Hélène… ce ne sera pas un musée mais une salle d’exposition… le tableau noir est remplacé par un écran, huit vitrines avec leurs tabourets futuristes ont remplacé les pupitres d’écolier… Dans ces vitrines, Hélène y a déposé : objets familiers, manuscrits, livres et carnets personnels. Les murs blancs sont ornés de gravures, de portraits et de photos. L’iconographie est réalisée par Vincent Jacques, le neveu d’Hélène. Une convention a dû être signée avec la DRAC, la Mairie de LOUISFERT et l’Association de Gestion de la Demeure, créée à cette occasion, le 13 mars 1992, pour assurer avec Hélène, le fonctionnement de ce lieu culturel. Le premier président sera Christian Bulting. L’Association de gestion s’est fixé trois missions : 1 – accueillir le public dans la salle d’exposition. La première a été assurée régulièrement avec le concours de la Mairie et ensuite de la Communauté de Communes du Castelbriantais puis de la Communauté de Communes Châteaubriant-Derval… Des centaines de visiteurs ont été accueillis dans cette Demeure par Hélène, accompagnée d’Anne-Marie et par la suite avec le concours de jeunes étudiants. Jusqu’en 2008, Hélène passait l’été à Louisfert. Ce « retour à l’été » a été aussi un retour à l’écriture. C’était toujours une grande émotion de recevoir en quelque sorte ces pèlerins poétiques qui marchaient sur les traces de Cadou. En 2005 Hélène fut très touchée par la démarche de l’évêque de Nantes, Monseigneur Soubrier, qui est venu avec quelques séminaristes. Il a su trouver les mots justes pour s’excuser auprès d’elle de la dureté du curé de l’époque, l’Abbé Moreau, qui avait refusé les obsèques religieuses au prétexte que René et Hélène ne s’était pas mariés à l’église ! La seconde mission a été importante. Grâce à la pugnacité de Christian Bulting, huit classes de Patrimoine ont pu être organisées : du CM2 à la seconde. Il s’agissait d’accueillir des élèves pendant une semaine en internat et de leur faire découvrir la Brière, pays natal de René, Louisfert et son village muré de palis, la demeure et à Nantes le Centre René Guy Cadou où ils rencontraient Hélène. Cette semaine était ponctuée d’ateliers : écriture, imprimerie, photos, observation du paysage, expression théâtrale… La principale difficulté était l’hébergement et la seconde le financement… L’accueil des classes à la journée était plus facile et nous avons eu de fidèles enseignants des collèges de St Brévin, de Lanester ou de St Florent le Vieil… Hélène n’hésitait pas à aller à la rencontre des classes et c’était toujours un bonheur de l’accompagner et de compléter son témoignage par la lecture de poèmes. La plus belle expérience fut la semaine au Collège René Guy Cadou de St Brévin, qui deviendra en 2017 « Collège Hélène et René Guy Cadou »…
Témoignage de Patricia Barreau, professeur de lettres au Collège Hélène et René Guy Cadou à St Brévin les Pins La rencontre avec Hélène Cadou et les visites à Louisfert-en-Poésie comme point de départ d’un engagement qui perdure. Pédagogiquement, les visites de nos élèves à la Demeure de Louisfert furent un prolongement heureux et fructueux de l’étude des poèmes abordés en classe. Elles ont permis aux élèves et aux professeurs de se figurer de façon plus concrète la vie du poète-instituteur et son œuvre. Patricia Barreau-Yu, professeure de lettres
...La troisième mission de l’Association de Gestion : faire rayonner la poésie de Cadou en organisant des spectacles, a été une réussite grâce à la ténacité d’Hélène. Pendant quinze ans, Louisfert en Poésie a vibré aux accords de musiciens qui ont mis en musique la poésie de René et d’autres poètes. Avant que la salle paroissiale ne devienne « la Grange aux Poètes », c’est dans la salle commune de l’école maternelle que les premiers artistes se sont produits… Le public n’était pas nombreux… Notre politique de gratuité pour les locfériens n’attiraient pas les foules… Les difficultés matérielles : location de piano, de sonorisation ou d’éclairage, recours à des vacataires intermittents du spectacle ne nous décourageaient pas. La charge financière était allégée par la subvention de la DRAC pour les trois premières années.
Souvenirs de Daniel GELIN Je suis allé à Louisfert en septembre. J'avais choisi de dire des poèmes de René Guy Cadou et de sa femme, Hélène, ainsi que des textes de ses poètes préférés et des extraits de lettres que Luc Bérimont écrivait à René Guy. Avant le spectacle, j'ai demandé à Hélène Cadou où je pouvais m'isoler un peu pour me concentrer. Elle m'a dit : « Tu n'as qu'à monter dans la chambre de René Guy, tu seras tranquille. » Puis on est venu me rechercher pour le récital. La grange était pleine à craquer. Et j'ai commencé le premier texte, en voix off, un peu à l'écart de la salle. Les lumières baissaient lentement, j'ai pris ma chaise, je suis entré sur la scène et je me suis assis devant une petite table qui rappelait celle de la chambre de Cadou… Ce fut mon dernier récital de poésie et la dernière fois que je suis apparu sur une scène. « A bâtons rompus » - mémoires Daniel Gélin
Enfin la Communauté de Communes Châteaubriant-Derval en réhabilitant la Demeure en 2019 en fera une résidence d’écrivains sous le parrainage de Martine et Philippe Delerm. Hélène JACQUIER, vient de terminer cette première résidence en assurant de nombreux ateliers. Hélène est allée retrouver son « Prince des Lisières ». Ses héritiers ont fondé une Association de portée nationale Cadou Poésie, organisatrice de ce colloque. Elle a signé une convention avec la Communauté de Communes de Châteaubriant-Derval. L’Association de gestion n’a plus de raison d’être. Mais la Demeure d’Hélène et René Guy Cadou à Louisfert en Poésie accueillera encore longtemps, je l’espère, les amoureux de la poésie d’Hélène et René Guy Cadou.
J'ai toujours habité... J'ai toujours habité de grandes maisons tristes René Guy Cadou « Les Visages de solitude » 1944-1946
Crédit photos : Jacques Vincent ; Association Cadou-Poésie ; Association la Demeure Cadou de Louisfert en Poésie ; Jean-Claude Martin.
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