Poèmes Inédits

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Titre Page

Au ciel 836
Dieu 838
L'ensemble seul est parfait 839
Chérie ! tes seins sont fleurs obscures 840
Ma chérie oh ! 841
Se sont évanouis les fées et les démons 842
Élodie Louise 843
Émélie 844
Avril qui rit ici 845
Mareye 846
A mon bleu ciel des rêves feuillolent 847
L'amoureuse 848
Jeunesse 848
Première communion 848
L'amour 849
L'enlèvement 849
L'abandon 849
J'ai rêvé que j'allais à mon enterrement 850
Le coin 851
Carte postale a Yvonne 852
Sakountala 853
La campagne 854
O France, France ma patrie 855
Féret, je vous envie 856
Méditation 857
Sonnet pour une opale d’Asie sertie dans une épingle 858
Si on me laissait faire 859

 

 

 

 

 

Au ciel

 

Ciel, vétéran vêtu de défroques,
Après cinq mille ans tu nous sers encor,
Les nuages sont les trous de tes loques
Le grand soleil est ta médaille d'or!

Contemplant toujours les mondes baroques,
N'es-tu pas lassé -du banal décor ?
O ciel, vétéran vêtu de défroques!
Après cinq mille ans tu nous sers encor,

Parfois là-haut tu dois rire de nous,
Qui gesticulons, poussons des cris rauques
Qui prions et nous traînons à genoux
Pour avoir la gloire ou d'autres breloques ?
O ciel, vétéran vêtu de défroques!

 


 

 

 


Dieu

 

Je veux vivre inhumain, puissant et orgueilleux
Puisque je fus créé à l'image de Dieu
Mais comme un dieu je suis très soumis au destin
Qui me laisse un regret des antiques instincts
Et prédit dans ma race un dieu juste et certain.
Voyez de l'animal un homme vous est né
Et le dieu qui sera en moi s'et incarné

 


 

 

 


L’ensemble seul est parfait. Je ne puis le voir
Ni le connaître, étant partie du tout parfait.
Je lis les idéogrammes, mots et vanités
Mais la nature est seule vraie, non le grimoire.

Pourtant esclaves indolents de nos pensées,
Nous avons la nature et nous n'y pouvons croire,
Les yeux toujours anxieux vers des étendards;
Or, la vie, forte, vit quand nous avons passé

Ne sachant pas souvent ce qui et apocryphe
Etonnés du passé, adorant le tardif
Et les astres éteints, au ciel dépareillés.

Nous renierons les temps et d'antan les idées ;
Au bord des fleuves vierges nous irons pêcher
Et nous allant par couple en profondes eaux tristes

Et nus comme des dieux, débarrassés des lois,
Nous irons sur la route avec les anarchistes
Et nous vaincrons d'amour la vie qu'on désaima.

 


 

 

 


Chérie! tes seins sont fleurs obscures
Emmi la nuit. Chérie! tes seins
Ont fleuri d'attente. O luxure
Chérie! tes seins sont fleurs obscures

Chérie! tes seins ont des fleurs tristes,
Couleur de gants de magistrats
Chérie! tes seins outres taries
Ont des fleurs brunes et leur espoir
Est orgueilleux. Chérie tes seins !

 


 

 

 


Ma chérie oh! J’aime ta voix
Ta voix si douce et si câline
Ta voix de cloche cristalline
Ta voix ta voix de mandoline
J'aime tes yeux où je me vois
Tes yeux qui sont de l'eau qui rêve
Je voudrais, fille de l'Amblève,
T'aimer un jour... puis que je crève!
Ta bouche que tu livres à tous
Je l'aime et j'adore tes lèvres
Ton corps délicat comme un Sèvres
Et tes grâces tes grâces mièvres.
Et j'adore même ta toux
Et le frisson de quand tu tousses
Car seules quelques chattes rousses
Ont les langueurs calmes et douces
O tes lèvres je les voudrais
Tes cruelles lèvres sanguines
Tes belles lèvres purpurines
Et tes petites dents félines
Avec tu mordrais
O ma chérie O ma cruelle
Si tu l'osais. Cerise, airelle
Est ta bouche rouge ou spinelle.
Je voudrais ton corps charmant,
Les trésors que cache ta robe
Les beautés qu'elle me dérobe
Ton corps blanc et pur comme aube
Que tu gardes pour ton amant.

 


 

 

 


Se sont évanouis les fées et les démons
Quand jadis en l'étable est venu Saint Remacle
Et les moines ont fait ce si triste miracle
La mort des enchanteurs et des gnomes des monts

Or seuls mais très jaloux les elfes de l'Amblève
Ont des perles encor et troublent l'eau qui rêve
Quand un chercheur s'en vient. Mais lorsque[un]pâle amant
Ému vient demander la perle en l'eau dormant
Un elfe la lui donne et quand il part l'incante
Afin que l'aime aussi sa dédaigneuse amante


 

 

 


Elles ont toutes deux
Les fleurs qui tout le jour
Ont de vagues langueurs
D’amour et de mépris
Insipides toujours
Et meurent les amants
Les lèvres carminées
Ornent leurs calmes seins
Un soir ces fleurs fanées
Iront où les années
S’en vont sitôt que nées
Et les fleurs et les seins

 

 

 

 


 

 

 


 

Entre le beau rêveur qui file à tes pieds blancs
Mon aimée, enivré par tes regards troublants
Est mon seul doux souhait ce jour de printemps tiède
L'iris catalogué par le grand Lacépède
Intente à mon cœur tendre un long procès d'amour
Et de vos cheveux blonds je suis le troubadour.

 


 

 

 


Avril qui rit ici connaît-il votre Nord
Les aurores y sont aurores boréales
Mais les femmes s'en vont libres et n'ont pas tort;
Libres, l'homme et la femme un jour vaincront la mort.
Ah!mais, pensez au Nord où les cheveux sont pâles

 


 

 

 


 

Mareye

 

Mareye était très douce étourdie et charmante
Moi je l'aimais d'Amour m'aimait-elle, qui sait ?
Je revois parfois à la lueur tremblotante
Des lointains souvenirs cet Amour trépassé.

Sur ma bouche je sens celle de mon amante
Je sens ses petites mains sur mon front glacé
Ses mains dont doucement elle me caressait
Ses rares mains de sainte pâle ou bien d'infante

Mon amante d'antan dans quels bras t'endors-tu
Pendant l'hiver saison d'amour où les vents pleurent
Où les amants ont froid où des passants se meurent

Sous les tristes sapins meurent en écoutant
Les elfes rire au vent et corner aux rafales ?
Songes-tu quelquefois quand les nuits sont bien pâles
Que telles nos amours sont mortes les étoiles ?

 


 

 

 


 

A mon bleu ciel des rêves feuillolent
Et tombent tout près de fleurs qui puent
Je songe pendant que je somnole
D'astres éteints de tigres repus

Toutes les roses ne sont pas roses
Tous les saules ne sont pas pleureurs
Or je sais des portes jamais closes
Et des Héros qui ont toujours peur

Tout ce que nous disons est mensonge
Et je ne crois plus aux pâmoisons
Les yeux sont pareils aux éponges
On presse on pleure et Tout est Raison

 


 

 

 

 


L'amoureuse

Jeunesse

Au jardin des cyprès je filais en rêvant
Ou je suivais des yeux les flocons que le vent
Prenait à ma quenouille ou bien par les allées
Jusqu'à l'étang bleuâtre où pleurent les saulaies
Je marchais lentement m'arrêtant aux jasmins
Cueillant une ancolie ou bien tendant les mains
Vers les iris fées gardés par les grenouilles
Et pour moi les cyprès n'étaient que des quenouilles
Et mon jardin un monde où je vivais exprès
Pour y filer un jour les éternels cyprès

 


 

 

 


Première communion

L'adolescente pâle au milieu du cortège
Blanc d'une blancheur d'aube ou comme un jour de neige
Se souvient des parfums de son jardin d'antan
Et l'odeur de l'encens lui semble ô sacrilège
Le relent des péchés que l'on voue à Satan

Une hostie est là-bas simulant sur la palle
Le dieu qui par amour choisira la plus pâle
Celle dont la blancheur contre tout prévalut
Qui debout et les yeux sur la croix principale
Adore en sanglotant le dieu pur qui l'élut

Or avec les parfums minéens et pythiques
On brûle encor de vains péchés aromatiques
Qu'invisible en un coin vient renifler Satan
A l'heure où communie au chant bleu des cantiques
Celle qui se souvient de son jardin d'antan

 


 

 

 


L'amour

 

Je suis lasse des rêves même
-Sous son regard j'ai tressailli —
II m'a tout dit je sais qu'il m'aime
A son aveu j'ai défailli.
J’ai vu l'amour noyé dans les regards d'un homme
Oh! Mon cœur sans le sien a battu dix-sept ans
L'amour le fera-t-il palpiter très longtemps
J’ai vu l'amour noyé dans les regards d'un homme
D’amour, il m’aime, un peu, beaucoup,
-C'est bien plus que je ne mérite -
Pas du tout il m'aime coucou
Il m'aime, ô gué! la marguerite!
J'eus de très doux baisers, les baisers de maman,
Et ce printemps dans le jardin qui s'enavrile
J’aurai ceux bien meilleurs d'une bouche virile
O baisers de jadis, doux baisers de maman!
Je suis lasse...

 


 

 

 


L'enlèvement

 

Mes parents et les siens sont cruels et leurs âmes
Ont maudit notre amour c'est pourquoi nuitamment
Lorsque mai répandit sa douceur nous osâmes
Accomplir mon enlèvement
Une échelle de soie aidant ma fuite heureuse
Et pour toujours je ne serai qu'une amoureuse.
Cependant j'ai prié pour que Dieu se souvint
De ma blanche ferveur si l'amour était vain.

 


 

 

 


L'abandon

 

Or un jour son amant la quitta pour une autre
-Un hiver sans amour et bien plus froid qu'un autre
Et délaissée elle enfanta dans la tristesse
-les enfants des amants naissent dans la tristesse —
Puis très pâle elle fut une très douce mère
Et ne maudit jamais celui qui la fit mère.

 


 

 

 

 

 

J'ai rêvé que j'allais à mon enterrement
Tu n'étais pas venue et j'entendais ton rire
Mais ta bouche était là ses suçons de vampire
Cerceaux rouges roulaient sous mon regard dément
Et je mourais encore en entendant ton rire

 


 

 

 


Le coin

 

Les vieux miséreux attendent, en battant la semelle, qu'un patron les embauche.
Ils attendent et frissonnent, les mains dans les poches,
Ils ne se parlent pas entre eux car ils ne se connaissent pas.
Parfois l'un d'eux murmure Nom de Dieu tout bas.

Les fiacres en roulant près du trottoir, les éclaboussent
Les passants en pardessus, sans les voir les repoussent
La pluie souvent les mouille jusqu'aux os
Ils relèvent le col de la veste courbent un peu plus le dos
Disent Sacré bon Dieu de bon Dieu et toussent.

Ça durera jusqu'au jour où dans l'hôpital
Ils cracheront le reste de la vie en noir en pensant « Ça y est jusqu'à la gauche »
Ils pleureront peut-être comme un petit gosse qui a mal
Et crèveront en murmurant : C'est-y l'bon Dieu qui m'embauche ?

 


 

 

 


Carte postale à Yvonne

 

Les lilas mi-fleuris sont déjà parfumés
Des lanternes au loin semblent des yeux aimés
O mon âme amoureuse aujourd'hui tu défailles
Au parc crépusculaire et mouillé de Versailles

 


  

 

 

 


Sakountala

 

Quatre étoiles tournant aux cieux
Se ressemblent de même entre elles
Que las de me scruter mes yeux
Ressemblent à ceux des gazelles

Majestueux, l'arc bandé, si
Notre roi vient chasser ici,
Qu’il laisse vivre ma gazelle
Et me blesse d'amour près d'elle...

 


 

 

 


La campagne

 

                            Nature, Nature,
                 Bien plus laide que moi
J'aime mieux les dessins sur le vieux mur
Que le point de vue et la fumée des toits

                 Retournons-nous-en! Retournons-nous-en!
                 Je veux revoir le beau jardin
                 Le beau jardin à fleurs semblables
                 Sur les murs de ma chambre.
                               Eh bien!
                 J'en suis vraiment malade.

                 Comme ces dames sont bêtes !
                               Et moi, moi
                               Je m'entête;
                 Je n'aime pas la couleur des vieux toits.

Comment peut-on vivre ailleurs qu'à la ville ?
                 Ailleurs on est en exil!
A la campagne on vous fait faire des kilomètres
                 Pour voir des endroits aussi bêtes
                        Que celui qu'on a devant la porte.
Il faut avec ça prendre garde aux entorses!
— L'Angélus me ferait pleurer à genoux —
                              Adieu! vous,
Pauvres arbres, mauvaise herbe, feuilles mortes
                 Et les si sales petits enfants
         Retournons-nous-en ! Retournons-nous-en !

 

 


 


 

O France, France ma patrie
                Tu m'as donné
Ma fringante coquetterie

Je voudrais être la plus belle

O France, France si chérie
Je veux t'honorer, ma patrie
Par ma belle coquetterie

Ma robe et aujourd'hui en velours raisiné
Et ma longue jaquette est genre Directoire

 

 


 

 

 


Féret, je vous envie, ayant à la maison
La Poésie ardente et la belle Raison.
L'une dans votre for, jumelle de votre âme,
N'est qu'un fantôme auprès de l'autre, votre femme
Mais, fantôme divin d'une divinité
Qui vous dicta les vers quand vous avez chanté.

Féret, je vous envie et ma voix importune
Laissez-la célébrer votre double fortune...
Hier, dans votre maison, ce rosier qui fleurit,
Poète au désespoir dont la bouche sourit,
Je ressemblais, merci de la métamorphose
La cétoine qui dort dans le cœur d'une rose.

Féret, je vous envie encore d'être auprès
D'une fille aux yeux doux ainsi que des regrets.
Est-ce pour la louer que l'on donne à Colombes
                    Un nom aussi charmant ?
                    Et je pense vraiment
Que ses yeux et ses mains ce sont là les colombes.

 

 


 

 

 


Méditation

 

Cette nuit est si belle où la balle roucoule
Tout un fleuve d'obus sur nos têtes s'écoule
Parfois une fusée illumine la nuit
C’est une fleur qui s'ouvre et puis s'évanouit
La terre se lamente et comme une marée
Monte le flot chantant dans mon abri de craie

 


 

 

 


Sonnet pour une opale d’Asie
sertie dans une épingle

L'Opale merveilleuse où chatoie une aurore
Apporte les couleurs d'Italie à Paris
Car dans la gemme couve un beau feu tricolore
Un feu vert blanc et rouge aux reflets attendris.

Vous m'avez conservé l'amitié qui m'honore
Votre illustre amitié précieuse et sans prix.
Elle court un danger, danger dont je souris
L'épingle d'or ne peut pas la piquer encore

J'achète le cadeau que vous m'avez donné
Étant marchand de vers je paye en poésie
Et veux qu'en ce sonnet pour l'opale d'Asie

Vous trouviez mes souhaits pour l'an à peine né.
Qu'il soit pour vous bonheur douceur de vivre et gloire
Et pour nos deux pays une même victoire.

 


 

 

 


Si on me laissait faire

 

O Temps ô seul chemin d'un point à l'autre
Si on me laissait faire j'aurai vite changé
Le cœur des hommes et partout il n'y aurait plus
                       Que de belles choses

Au lieu de fronts courbés au lieu de pénitences
Au lieu de désespoir et des prières il y aurait partout
Les reliquaires les ciboires les ostensoirs
Etincelant au fond des rêveries comme ces
Divinités antiques dont le rôle poétique
                         Est près d'être terminé

Si on me laissait faire j'achèterais
Les oiseaux captifs pour leur rendre la liberté
Je les verrai avec une joie sans mélange
Prendre leur vol et n'avoir pas même l'idée
D'une vertu nommée reconnaissance
                         A moins que ce ne soit gratitude