Poèmes épistolaires

Sommaire

(Retour en page d'entrée)

René Dalize, né en 1879 et mort le 7 mai 1917 au Chemin des Dames, écrivain français, ami de jeunesse du poète, qui lui a dédié Calligrammes.


Titre Page

A André Salmon : Cher ami, depuis près de trois mois je ne t'ai 759
A André Salmon : Mon cher André 760
A André Salmon : Tu partiras, dit-on 761
A André Billy : Les listes les papiers me font défaut mon cher 765
A André Billy : Ta lettre, cher Billy 766
A André Billy : J'ai reçu tes rimes 767
A André Billy : Brousson survit chez sa nourrice 768
A André Billy : De l'école et de la roulette 770
A André Billy : Premier canonnier conducteur 771
A André Billy : Enfin mon vieux suis brigadier 772
A André Billy : Je te le dis André Billy que cette guerre 773
A André Billy : Mais quel était cet Otto Lenz 774
A André Billy : Si j'étais un pi-hi 775
A André Rouveyre : A mon cher André Rouveyre 779
A André Rouveyre : Mon cher André 780
A André Rouveyre : Merci Rouveyre de tes vers 780
A André Rouveyre : Reçu tes vers après ta prose 782
A André Rouveyre : Pluie 783
A André Rouveyre : Ami le dessin où tu baises 784
A André Rouveyre : Merci bien cher André de ta lettre au crayon 785
A André Rouveyre : Ne te moque donc par des nuits 786
A André Rouveyre : Gentil Rouveyre mon ami 787
A André Rouveyre : Merci d'avoir si bien décrit 788
A André Rouveyre : 7 avril 1915 789
A André Rouveyre : Je vois de tes dessins dans le Parisien 791
A André Rouveyre : Pourquoi m'écris-tu plus 792
A Louis de Gonzague Frick : Cher ami parti depuis le premier jour 798
A André Rouveyre : Mon cher André Rouveyre 793
A Louis de Gonzague Frick : O Louis de Gonzague Frick 799
A André Rouveyre : Mon cher petit Rouveyre 794
A Louis de Gonzague Frick : Bien reçu la Flora 800
A Louis de Gonzague Frick : Le pâle crayon de ta carte 801
A Louis de Gonzague Frick : Je fume en pensant à vous 797
A Louis de Gonzague Frick : Je ne lis pas le Figaro 802
A Louis de Gonzague Frick : Vous aurez les compensations après la guerre 803
A André Dupont :Mon cher André Dupont 807
A André Dupont :Merci mon cher André Dupont 808
A André Dupont :Vos lettres sont Dupont une bonne chronique 809
A Fernand Divoire : Tu le sais, mon Fernand 813
A Fernand Divoire : Ainsi s'en va la vie 814
A Fernand Divoire : Fernand dans ton tiroir mes vers ne sont pas mal 815
A Fernand Divoire : Ta plaisanterie est d'ivoire 816
A Fernand Divoire : Les mousses les gazons ont poussé dans les murs 817
A divers correspondants : A l'archiduc Jean Moréas 821
A divers correspondants : Je te baise partout et pense à toi 822
A divers correspondants : Brevet élémentaire 823
A divers correspondants : Compliments d'anniversaire 824
A divers correspondants : Me voici au bord de la mer 825
A divers correspondants : Des blessés l'Espoir et la Foi 826
A divers correspondants : Ainsi que Didier Lombard 827
A divers correspondants : Si vous savez ce que Dupont boit 828
A divers correspondants : Ce nom de nègre te va bien 829
A divers correspondants : J'ai reçu d'un seul coup les roses de Saadi 830
A divers correspondants : Le calendrier pudique 831
A divers correspondants : La madeleine corse était bonne à manger 832
A divers correspondants : Mes souhaits pour 1917 833
A divers correspondants : A Jean Cocteau 834

 

 

 

 

A André Salmon...

Cher ami, depuis près de trois mois je ne t'ai
Vu. Je me suis c'est vrai des lettres écarté...
Des lettres ? Non, non, non, mais des hommes de lettres!
Les Jeunes me font peur et je crains les chers maîtres...
La semaine dernière, un Mardi, vers midi
Seul comme Robinson avant son Vendredi
Je fus au Panthéon où dormira ta gloire
Tard si le veut la Parque en cravate de moire
J'entrai dans ta maison — qu’il déloge! Pensai-je
...Qu'afin que l'avenir lui donne un long cortège
Lorsqu'on transportera son corps au Panthéon
Qu'il s'en aille habiter loin comme Fénéon
Comme Roinard, comme Fagus, comme Paulette...
-Et ce pensant j'entrai rêveur chez le Poète...
Ta concierge me dit: « Monsieur André Salmon
Dans la Marne aujourd'hui taquine le saumon. »

 



 

 

A André Salmon...

Mon cher André. Je suis revenu de Hollande.
De mes œuvres je crois Wilhelmine la grande
Grosse comme on ne l'est qu'aux Pays-Bas attend
Le Prince qui rendra le Batave content.
Veux-tu venir me voir; il paraît que comique
Ton roman t'entraînant par l'Europe et l'Afrique
Sur ce grand chariot que Thespis éprouva
Tu régiras l'hyène et le fakir Deva.
Viens me conter enfin du Mollet l'épopée
Et comment en cyclope il se forge une épée.
Manolo m'assura que vêtu de velours
En d'amples pantalons se traînant à pas lourds
Le compagnon Mollet dans les forges s'embauche,
On m'a dit que Dupuy défendit Moréas
A qui la Montparno disait comme Calchas
« Trop de prose » et Dupuy n'obtint pas son pardon,
Sa Jeannette est l'abeille aujourd'hui de Bourdon.
Viens déjeuner... des huîtres.., tu sais... mois en erre
Je t'attendrai demain. Guillaume Apollinaire.

 

 



 

 

 

A André Salmon...

A celui qui régit La Troupe le Bargi.

Tu partiras, dit-on, vendredi pour l'Afrique
Viens demain avec moi vider une barrique
D’eau-de-vie ou de vin. Je t'attendrai de huit
Heures jusqu'à midi, puis d'une heure à minuit
Aussi bien laisse donc ton maître à ses cravates.

Eternelle douleur, Périer, vous en rêvâtes!
Et porte ne faut pas manquer de parole aux amis.
Et puis dorénavant pas d'anthropophagie,
Tu ne mangeras plus d'allumette-bougie;
Chaque amphiboche et toi serez de la régie.
Dis-moi, quand tu sauras par cœur tout « le Duel »
Apprendras-tu les vers d'Eugène Manuel
Avec ceux de celui qu'à Don Caramuel
Moréas compara pour dire quelque chose ?
Laissons, laissons, laissons à son rosier la rose
Laissons à Paul Fort ses poèmes en prose

Prends pour le lire en route un roman de Beaubourg
Et pour tes nuits d'automne engage au Luxembourg
Quelque tante à l'œil vif, à la mine éclatante
Puisqu’il faut, pour camper en voyage une tente.
J’habite au Vésinet, huit boulevard Carnot.
Guillaume Apollinaire

P. S. Apporte le tonneau

 



 

 

 

A André Billy...

Les listes les papiers me font défaut mon cher
En vain suis-je venu par chez vous les chercher
Et je vous dois encor crois-je une somme de ***
Venez venez chez moi ce sera plus commode
L'adresse de Cravan plus fort que Sam Mac Ves
Me manque fort Sa rue est-ce donc pas Brés
Je griffonne pardon mais vous saurez me lire
Je signe Votre ami Guillaume Apollinaire

Ce Danois de Madsen vous voue un amour pur
Mais l'amour pur mon cher est-ce encor de l'amour
Le baron de Mollet qui ressemble à Shakespeare
Vous mande ses souhaits pour l'an qui se prépare

 

 



 

 

 

A André Billy...

Ta lettre cher Billy m'a fait un grand plaisir
Les temps où nous vivons sont si faits pour mourir
Que l'on voudrait toujours que près de soi se tiennent
L'amie et les amis afin qu'ils se souviennent
J'ai retrouvé Larguier superbe caporal
Mais il s'en va mardi Je m'en sens déjà mal
Ici les gens s'en vont un à un troupe à troupe
Je m'en irai bientôt portant ma joie en croupe
Traîner un canon gris sur les plaines du Nord
Dans la main droite un fouet pour flageller la Mort
Qui botte à tibia chevauche le sous-verge
J'attends un bon ami que tu connais bien Serge
Il se doit engager dans mon beau régiment
Le soir j'écris un peu je parle rarement
C'est mon idée ainsi qu'on applique au théâtre
Théâtre double et rond comme un halo bleuâtre
Par quoi la lune fait la pluie ou le beau temps
Sur terre sont posés des décors éclatants
Il en flotte dans l'air et la vie en résulte
La vie ô but de l'Art et mon unique culte
Bonjour à Léautaud à mes autres amis
Je voudrais bien avoir si ce m'était permis
Ce bouquin où Tudesq parlant d'artillerie
Intrigue des poilus dans notre batterie
Dis-moi ce que Dalize est enfin devenu
Ainsi que Canudo dont le poil est chenu
Salmon est maintenant un chasseur de Vincennes
Mais il va repartir dans deux ou trois semaines
D'après ce qu'on m'écrit Cremnitz toujours Niçois
Attend dans son dépôt un des prochains envois
Je t'embrasse Billy baise-main à Louise
Verrai-je encore ici la première cerise

 

 



 

 

 

A André Billy...

J'ai reçu tes rimes où traînent
Nos souvenirs ces sons de cor
Ami les jours aux jours s'enchaînent
Combien combien de jours encor
Combien de douleurs les emmènent

J'ai vu Larguier pendant huit jours
Il est au camp de Carpiagne
Nîmes aux tristes alentours
En est plus triste et la Tour Magne
En pâlit sous des cieux trop lourds

Adieu Billy le travail sonne
Trompette triste comme un cor
C'est un printemps comme un automne
Quand nous reverrons-nous encor
Ah qui peut le dire Personne

 



 

 

 

A André Billy...

 

Brousson survit chez sa nourrice
On m'en [a] parlé bien souvent
Ainsi tu vis Salmon devant
       Saint-Sulpice

Dyssord eSt un agent Havas
Et Raynal est une commère
Pour Bousquet et toi tu rêvas
       A la guerre

Mais avec un simple grattoir
Tant mieux car après la victoire
On est plus sûr de te revoir
       Dans la gloire

Moi j'espère les Ottomans
A moins que le Front Sud me prenne
Extraordinaire roman
       Quelle veine

Combattre un corps kayserlick
Derrière une crête en Servie
Plus de vers de Gonzague Frick
       C'est la vie

Mais ce très aimable garçon
Écrit avec un crayon pâle
Plus pâle même qu'un glaçon
       Qu'une opale

Et je me crève les yeux pour
Déchiffrer ses cartes postales
Pleines d'un littéraire amour
       Mais trop pâles

André Billy j'aime tes vers
Comme mon canon de campagne
Qu'ils ornent bien les lauriers verts
       La Tour Magne

 



 

 

 

A André Billy...

 

De l'École et de la Roulette
Tu me fais un tableau charmant
Mais pour toi combien je regrette
O Billy ton emmerdement

Tu t'en iras bientôt j'espère
Près des Cocteau près des Romains
Peut-être y verras-tu Royère
Auquel je baise les deux mains

Car c'est un cœur et c'est une âme
Et c'est un poète en un mot
Sur son beau front brille une flamme
Dans sa main fleurit un rameau

Mais moi pour l'Hellespont antique
Ne suis pas parti cette fois
Il fait un soleil électrique
Voici venir le plus doux mois

 



 

 

 

A André Billy...

 

Premier canonnier conducteur
Je suis au front et te salue
Non non tu n'as pas la berlue
Cinquante-neuf est mon secteur

 

 

 



 

 

 

A André Billy...

 

Enfin mon vieux suis brigadier
Faut pas croire qu'ici l'on vole
Ses galons Mais un saladier
Les arrose dans la piaule
Agent de liaison un saule
Me sert d'abri mais l'encrier
Est un vieux bidon à pétrole

 



 

 

 

A André Billy...

 

Je te le dis André Billy que cette guerre
            C'est Obus-Roi
Beaucoup plus tragique qu'Ubu mais qui n'est guère
            Billy crois-moi
Moins burlesque ô mon vieux crois-moi c'est très comique
            Les Emmerdés
Voilà le nom des vrais poilus Quelle colique
            Sont-ils vidés
Ces pauvres cieux chieurs d'obus et d'autres choses
            Le féminin
Nous manque un peu Des chairs des chairs mais des chairs roses
            Pour un connin
Votre la solution de papefiguière
            On donnerait
Sa vie avec en plus mille bouquins Figuière
            Dans ma forêt

 

 



 

 

 

A André Billy...

 

Mais quel était cet Otto Lenz
De la Landwehr pluie à la fesse
Passa-t-il par La Fère ou Lens
Et l'écorchure qui le blesse
L'obtint-il à Dixmude ou Reims

Et moi j'attends l'heure où je rie
Où tous à contre-pente au trot Nous irons mettre en batterie
Quelle joie Enfin pointer au
Collimateur l'Artillerie

En a marre mon cher André
D'attendre d'attendre d'attendre
Il pleut mais il fait doux c'est vrai
Que c'est un mois de mai si tendre
Moins que le mois où m'en irai

Mais si tu pouvais les entendre
Vient-il l'obus dont je mourrai

 

 



 

 

A André Billy...

 

Si j'étais un pi-hi
J'aurais du moins une aile
Pour t'aller voir Billy
Mais la vie et cruelle

 

 



 

 

 

A mon cher André Rouveyre

 

A Deauville André nous omîmes
De nous tutoyer tous les deux
Maintenant que je suis à Nîmes
Enfin tu me dis tu C'est mieux

Ici je conduis les cavales
Qui traînent le canon léger
La nuit descend les cieux sont pâles
Mais l'ombre ne peut m'affliger

Puisqu'en effet mon cher Rouveyre
Le conducteur et le servant
La font jaillir cette lumière
Qui éteint tout comme un grand vent

 

 

 



 

 

 

A André Rouveyre...

 

                Mon cher André
                Je t'enverrai
                Cette photographie
            (Bien est bon qui s'y fie)
Où j'ai pris l'air de Mars quand il attend Vénus
Des Cévennes ce soir les vents froids sont venus
Je pense à cet été que ta lettre m'évoque
Au baryton hongrois qui prenait l'air si noque
Aux germaines mastoques à la mer au tango
Aux crapauds qui bouffaient des mouches tout de go
Mais en forme d'auto je t'ai fait un poème
Où j'ai dit nos départs la nuit dans l'ombre blême
Tu le liras un jour quand nous nous reverrons
Je t'en dédie un autre en forme d'éperon
Je t'aime tendrement mon cher André Rouveyre
Et t'embrasse cent fois
                            Guillaume Apollinaire

 

 



 

 

 

A André Rouveyre...

 

Merci Rouveyre de tes vers
Merci de tes lettres charmantes
J'entends tirer et dans les airs
C'est des canons les voix tonnantes

Je calcule l'angle de tir
Je calcule l'angle de site
Ce soir ce soir dans la guérite
Chez moi qu'il vaudrait mieux dormir

J'apprends des leçons difficiles
On nous surmène au peloton
Et toi Rouveyre où tu t'exiles
Met-il son bonnet de coton
Le ciel d'hiver de tes deux villes

Paris je tire mon calot
C'est le cœur c'est la capitale
Je me souviens de son ciel pâle
Et ta belle Fontainebleau

 



 

 

 

A André Rouveyre...

 

Reçu tes vers après ta prose
Reçu ta carte de Senlis
Où l'incendie est peint en rose
Où le ciel est blanc comme un lys

Qu’as-tu dit devant ces décombres
Ont-ils un air victorieux
As-tu vu l'ombre entre autres ombres
De son maire si glorieux

Martyrisé comme saint Pierre
Id est tête à l'envers dit-on
La mienne l'est aussi Rouveyre
Que dis-tu de mon mirliton

 

 



 

 

 

A André Rouveyre...

 

Pluie

 

La pluie argente mes beaux rêves
Ce long après-midi d'hiver
Le ciel darde ses petits glaives
Dont le reflet est gris et vert

Nîmes aux ruelles dormantes
Qu'entourent de longs boulevards
Les cafés y sont pleins de tantes
Et de vieux officiers bavards

Soupé de la Maison Carrée
Mais la fontaine est de mon goût
J'aime la pierre à teinte ambrée
Lorsque le soleil luit partout

Mais c'est au temple de Diane
(O liberté de mes rognons
Faites qu'enfin mon cul se tanne)
Que je relis des compagnons

Les inscriptions anciennes
Je les aime mon cher André
Engravant ces pierres romaines
Roses dans le jour gris cendré

 

 



 

 

 

A André Rouveyre...

 

Ami le dessin où tu baises
Ces cheveux ondulés
Sur des yeux doux comme des braises
Aux sourcils affolés

M'apporte ton profil que j'aime
Et peint en même temps
Un beau doigt où brille la gemme
Des grands bonheurs latents

Est-elle Diane ou bien est-ce
La Fée aux trois crapauds
En tout cas c'est une déesse
Moi j'aime les drapeaux

Au corps souple comme une femme
Peau blanche yeux bleus leur sang
Est rouge et vif comme la flamme
Leur amour est puissant

Mais merci des photographies
Souvenir pas regret
Et puisque tu me les confies
J'en garde le secret

 

 



 

 

 

A André Rouveyre...

 

Merci bien cher André de ta lettre au crayon
Ne suis pas amoureux et j'ai de ses nouvelles
Nous ne savons rien d'elle et notre opinion
Est donc sans importance
                         Et sur les Dardanelles
Parle-m'en car je crois que j'y vais de ce pas
Avant qu'il soit longtemps ou bien au bois Le Prêtre
Mourir au nord au sud c'est le même trépas
Mais au ciel d'Orient on souffre moins peut-être

Ah! que je voudrais voir tes poèmes secrets
Pour Vallette je fais ma Vie anecdotique
Mais que ne sommes-nous à l'ombre des forêts
Devisant et fumant Au diable la tactique
Qu'il revienne le temps des courses en auto
Je conduis un canon sous un ciel sans nuage
Et je te dois toujours ma promise photo
Tu m'y verras conduire un superbe attelage

 


 

 

 

A André Rouveyre...

 

Ne te moque donc pas des nuits
De garde mon très cher Rouveyre
Elles sont poétiques puis
Autre chose sera la guerre

Mais je me demande mon vieux
Où donc est l'onomatopée
André je fais ce que je peux
Et c'est plutôt de l'épopée

Elle n'en est qu'au premier chant
Attends la fin de cette geste
Car le départ va s'approchant
Je jouis ici de mon reste

Si tu savais mon bon André
Comme on peut s'emmerder à Nîmes
Et l'on s'y sent comme emmuré
Dans un de ces lieux très intimes

 

 



 

 

 

A André Rouveyre...

 

Gentil Rouveyre mon ami
Tout va très bien en cette essoine
Car les vers ne font pas le mi
Litaire ni l'habit le moine

Maintenant n'ai besoin de rien
Si j'avais besoin d'une chose
Ou d'autre te l'écrirai bien
Ami sur toi je me repose

Mais ce sera surtout après
La guerre qu'il me faut ton aide
Et tu prendras mes intérêts
Ami depuis A jusqu'à Z

Ainsi je vois ton amitié
Fleurir comme une belle rose
Je ne t'aime pas à moitié
Veux-tu que je l'écrive en prose

 

 



 

 

 

A André Rouveyre...

 

Merci d'avoir si bien décrit
Ma chère mansarde déserte
Enfin à l'heure où l'on t'écrit
On ne s'en va pas à Bizerte

J'aime mieux le grand front du Nord
Malgré l'Orient qui m'attire
Et puis je ne crains pas la mort
Mais bien l'emmerdement c'est pire

Ici l'aventure d'amour
Vient de surgir dans la tourmente
Le jour était noir comme un four
La journée enfin est luisante

 

 



 

 

 

A André Rouveyre...

 

7 avril 1915

 

N'a un pinson dans la forêt
11 chante des choses si belles
Que cette voix l'écouterait
La cruelle entre les cruelles
Gracieuse comme un furet

Mon cher André Rouveyre
Quoi que tu dis quoi que tu fais
Ça siffle loin ça siffle près
Et de toute manière

Mais n'écoute pas le pinson
La si gracieuse marmite
Dont de très loin j'entends le son
Mais qui s'en vient presque aussi vite
L'était si bien dans son caisson

Mon cher André Rouveyre
Quoi que tu dis quoi que tu fais
Ça siffle loin ça siffle près
Et de toute manière

Toi marmite de campement
T'as pas tant de coquetterie
Le pinson chante doucement
Et pour nourrir l'artillerie
La marmite bout gentiment

Mon cher André Rouveyre
Quoi que tu dis quoi que tu fais
Ça siffle loin ça siffle près
Et de toute manière

Et dans la forêt c'et la nuit
La nuit profonde la nuit noire
Les marmites ont tu leur bruit
Et nous rêvons à la victoire
Tandis que l'oiseau dit cui-cui

Mon cher André Rouvevre
Quoi que tu dis quoi que tu fais
Ça siffle loin ça siffle près
Et de toute manière

 

 



 

 

 

A André Rouveyre...

 

Je vois de tes dessins dans le Parisien
Tu croques à ravir les gueules de ces Boches
Écris-moi quelque peu ça me fera du bien
Et me reposera des pics et des pioches

          Notre moral est excellent
          Et le beau temps est très galant

On se fout des obus comme d'une tartine
Et mon cheval Loulou hennit très gentiment
          D'une voix argentine
          C'est un bidet charmant
          Au revoir mon Rouveyre
          Guillaume Apollinaire

 

 



 

 

 

A André Rouveyre...

 

Pourquoi m'écris-tu plus
Mon cher André Rouveyre
Qui sait je te déplus
Guillaume Apollinaire

 



 

 

 

A André Rouveyre...

 

Mon cher André Rouveyre
Dis-moi que deviens-tu
Le vice ou la vertu
Guillaume Apollinaire

 

 



 

A André Rouveyre...

 

Mon cher petit Rouveyre
Je n'ai pas eu le temps
D'aller en ce lieu de la terre
Où tu terminas le printemps
Passe l'été prévois l'automne
Attends l'hiver et ses frimas
Ici la vie est monotone
Et sans accents et sans trémas
J'irai te voir sitôt que libre
Un jour entier pas eu le temps
D'aller chez Payot ce félibre
Genevois aux yeux éclatants
J'irai ce soir faut que je sache
Si notre bouquin paraîtra
Si par hasard Payot est vache
Un autre qui l'imprimera
Nous donnera bien plus de pèze
Salut Rouveyre soigne-toi
Il faut que bientôt tu sois aise
Procède donc à ton nettoy-
                     Age
                Sois sage

 



 

 

 

A Louis de Gonzague Frick...

 

 



 

 

 

A Louis de Gonzague Frick

Cher ami parti depuis le premier jour

 



 

 

 

A Louis de Gonzague Frick :

 

O Louis de Gonzague Frick
Échec, échec dans la tranchée
Aux bâtards du Grand Frédéric
Aux lâches fils de Metternich
Sur vous parmi les chairs hachées
Les victoires se sont penchées.

 



 

 

A Louis de Gonzague Frick...

 

Bien reçu la Flora, votre poème unique
Par ses vers variés est de la balistique
Et j'en ai mesuré les angles merveilleux
Louis de Gonzague Frick Poilu Victorieux.

 

 



 

 

 

A Louis de Gonzague Frick...

 

Le pâle crayon de ta carte
Est pâle comme un souvenir
Et que le sort bientôt écarte
La Guerre pour nous réunir.

Je te salue avec le sabre
O mon Louis de Gonzague Frick
Qui vaillant combats le macabre
Janus : Bismarck et Metternich.

Écris-moi souvent tes nouvelles
Et comment va Nicosia
Et Mac Orlan. Là-haut, tu gèles
Ici je cuis : Fantasia.

 

 



 

 

 

A Louis de Gonzague Frick...

 

Je ne lis pas le Figaro
Mais le Bulletin des armées
Et d'ailleurs je ne lis pas trop
Mouches Belzébuth Bien-aimées
Voilà l'objet de mes pensers
Et vous avez vos marguerites
Mais quand ces ans seront passés
De Polybe et ses acolytes
Lirai les informations
Et les élucubrations

 

 



 

 

 

A Louis de Gonzague Frick...

 

Vous aurez les compensations après la guerre
Et non pas à demi
Je fais ce que je peux pour être un parfait militaire
Il fait froid aussi chez nous
Moi je sens le froid surtout aux genoux
Je vis dans une salle souterraine
Qui des Boches naguère était le domaine
Que faire en un souterrain
A moins qu'on y songe un brin
Je le fais en fumant des tas de cigarettes
Parfois la pipe encore
Les avions du ciel sont les avettes
Qui s'essaiment de mes songes et de la fumée issant
De ma bouche abeilles d'or
Elles sont ma joie et je les aime
Et mon songe de fumée et d'essaims est devenu poème
Et je l'envoie à votre boue et vous dédiant les éléments de notre tir
Je vous dis au revoir et vais aller tirer avant d'aller enfin dormir

 

 



 

 

 

A André Dupont...

 

Mon cher André Dupont merci de votre carte
Votre douce tartine est mère de ma tarte
J’ai tant aimé les Arts que je suis artilleur
Il a fait bien mauvais aujourd'hui c'est meilleur
J'ai sur un grand cheval fait six heures de route
Genoux en sang mais que voulez-vous que ça foute
Tant d'hommes sur le front meurent en ce moment
Que c'est un vrai plaisir de saigner seulement
L’artillerie est l'art de mesurer les angles
Et l'équitation de bien serrer les sangles
L'art du canon est l'art de tout bien mesurer
Avec l'astronomie on le peut comparer
Voilà tout le secret de la guerre où nous sommes
Le reste est dans la joie et la vertu des hommes
Je pense à tout cela sur la route en mon for
Mon cher André Dupont je vous embrasse fort
Il vente il fait un froid de loup la nuit est claire
Ecrivez-moi souvent Guillaume Apollinaire

 

 



 

 

 

A André Dupont...

 

Merci mon cher André Dupont
De votre lettre et des nouvelles
Je l'ai fait lire à mon tampon
Qu'intéressent un peu les Belles

Lettres Il se nomme Benoît
Comme le pape et fait la chambre
Où je m'endors entre le froid
Et deux logis qui fleurent l'ambre

L'ambre des pets altitonnants
Que sans vergogne un militaire
Lâche comme coups de canon
Aussi bien dans la paix qu'en guerre

Mon cher André Dupont adieu
Benoît approuve votre style
Cependant qu'il refait mon pieu
Ayez donc la lettre facile

 

 



 

 

 

A André Dupont...

 

Vos lettres sont Dupont une bonne chronique
Le Tortoni d'ici fait à Paris la nique
Il est très bien je l'aime et c'est assez je crois
Au nom de Canudo le signe de la Croix
Est fait par les garçons comme par la patronne
Je dompte les chevaux et je les éperonne
Mon cul est tout en sang — encore est-ce un sang bleu —
Au cheval chaque jour je dis « Refais-me-le »
J'ai rimé des vers sur le train régimentaire
Louis de Gonzague Frick est pompier de Nanterre
Mais je l'aime car il est sur le front depuis
Le 3 août et connut du front tous les ennuis
Il se repose enfin C'est bien mon cher Dupont
Se reposer ce n'est pas n'être qu'un capon
Brésil ne m'écrit pas il a tort car je l'aime
J'eusse chanté sa gloire en un noble poème
Et Paul Adam me casse et les couilles et le
Cul il jaspine ainsi que le ciel lorsqu'il pleut
Henriette Charas — son bien dans la tranchée —
Entre Hindous et Turcos est fort bien panachée
Billy ne m'écrit pas je l'ai chanté souvent
Et son amitié qu'est-ce sinon du vent
Mais qu'il m'écrive enfin comme un ami sincère
Dans Nîmes un grand aigle a plané sur la terre —
Peut-être était-ce aussi Mercure renaissant
Lequel au mois d'avril s'en va remurissant
Mais Léautaud est un ami de premier ordre
Et je l'aime à tous crins sans jamais en démordre
Le quatrain pour Lombard est-il bien arrivé
Dites-moi si Brésil est mort ou bien sauvé
Pour finir je vous baise avecque votre femme
D'un grand embrassement qui prend le corps et l'âme

 



 

 

 

A Fernand Divoire...

 

Tu le sais, mon Fernand, où sommes sans compagne
Et ton esprit subtil perce à jour les secteurs
Je ne regrette pas pas du tout la tour Magne
Et ris dans la forêt avec les Conducteurs.

Sachant le mot le soir, je m'en vais pour rerire
Jusqu’au au bois factice où sont les gais Servants
Mais pour dérire alors c'et le canon qui tire
Envoyant ses obus précis à tous les vents.

Je n'ai reçu tout près que des obus d'Autriche
Et les 77 sont toujours tombés loin
De tous ces lourds oiseaux sinistres on se fiche
Mais on court ramasser les seconds avec soin

Car pour en faire à temps perdu, mon vieux, des bagues
On prend de ces obus tout l'aluminium
Que liment tout le jour en se disant des blagues
Les servants désœuvrés jusques au maximum.

 

 



 

 

 

A Fernand Divoire...

 

Ainsi s'en va la vie
Mon Fernand sur le front
On a l'âme ravie
Et l'esprit même est prompt.
On tire à la nuit noire,
Le Boche tire au jour
Nous vivons de l'Histoire
Nous rêvons de l'Amour
Et quand l'obus miaule
On rit toujours plus fort
Tous ceux de ma piaule
Se moquent de la mort.

 

 



 

 

 

A Fernand Divoire...

 

Fernand dans ton tiroir mes vers ne sont pas mal
Mais demande au patron s’il veut de mon article
Sinon adresse-le vers le secteur postal
Où ma vie et mon fort poursuivent leur curricle

 

 



 

 

 

A Fernand Divoire...

 

Ta plaisanterie est d'ivoire,
Éléphantine est le mot, voire
Débauchée, embochée, enfin
Quelque chose d'un peu trop boche.
Il est vrai que le tour et fin
Mais la pointe est vraiment très moche
Piquant Dieu, l'Amour et la Faim
Et comme ton humeur et noire
Ta plaisanterie et d'ivoire.

 

 



 

 

 

A Fernand Divoire...

 

Les mousses les gazons ont poussé dans les murs
Des cagnats des soldats y roulant des jours purs
L’euphorbe verruquée a moins de lait que l'autre
L’araignée à tout prendre est un bien bon apôtre
Lalande fit semblant seulement d'en manger
Lavande et lavandière? Ici! point de danger
Nous nous mangeons du singe en attendant du Boche
Ma foi se pourrait bien que cet instant fût proche
Car après la victoire on les convierait bien
En beaux rôtis saignants (Il nous faut tout ou rien)

 

 



 

 

 

A l'archiduc Jean Moréas...

 

 

O Maître on t'a prisé moins que tu ne valais
Les poètes du jour ne sont que tes valets;
Et puissé-je, meilleur, ne plus grossir leur nombre
Mais fidèle à ton pas, doubler au moins ton ombre.

 



 

 

 

A Marie...

 

Je te baise partout et pense à toi sans cesse
C'est toi mon souvenir et c'est toi ma richesse
Tes cheveux sont ma vigne et tes pieds mon haras
Mon dernier souffle encor toi seule tu l'auras
A pied je m'en irai tout à l'heure à Guérande
Cette lettre à la poste apporter en offrande
              Nos cœurs font un Écho
              Qui dit bonjour « Coco »
              A bientôt ma chérie
              Je t'adore Marie

 

 



 

 

 

Brevet élémentaire

 

A mademoiselle chérie...

 

Dieu qu'il est moche et suranné
Sur lui désormais faut se taire
Puisqu'on ne vous a rien donné
De ce Brevet Élémentaire

Élémentaire ce Brevet
L'était le sera le demeure
Rien d'étonnant qu'à ce navet
On vous trouve supérieure

Et serait-il Supérieur
Vous le surmonteriez encore
Ainsi de midi la lueur
Surmonte celle de l'aurore

Ainsi des filles de quinze ans
L'ignorante nouveauté passe
Les traits d'esprit des moins rasants
Du savant et du savantasse

Du chroniqueur spirituel
Du jocrisse de l'humoriste
Prodigue de sel ou de fiel
Et du rosâtre futuriste

Fuyez l'école et l'examen
Car fille a la science infuse
Et souriez au bel hymen
Qui bientôt vous rendra confuse

 

 



 

 

 

Compliments d'anniversaire

 

Goûtez les temps présents
            Chérie
Vos seize ans
            Sont une féerie

Vos seize ans c'était dans le temps
            Une féerie
Ils sont, je crois, vos 17 ans
            Ce printemps
Une salve d'artillerie

 

 



 

 

 

Me voici au bord de la mer

 

 



 

 

 

Des blessés l'Espoir et la Foi
O toi qui soignes le typhique
Mon Jean Mollet Salut à toi
Salut! O mon soldat mystique

 



 

 

 

A Paul Lombard...

 

Ainsi que Didier Lombard, ô Paul Lombard
Tu regardes debout sur la tour cette guerre
Prends garde qu'un conseil du civil de naguère
Ne fasse en un clin d'œil un terrible soudard.

 

 



 

 

A Paul Lombard...

 

Si vous savez ce que Dupont boit, Paul Lombard,
C’est que tuant le temps des grands soirs pathétiques
Où l’on attend les zeppelins, ces gros moustiques,
Pour boire autant que lui, vous le suivez au Bar.

 



 

 

 

Ce nom de nègre te va bien
Dyssord-Havas, tu me consoles
Et cette place n'est pas rien
Qui te fournit quelques oboles

Enfin tu sais la Vérité
Par le fil spécial d'Amérique
Elle est à poil cette beauté
Et tu manges d'une autre brique

Mais dis-moi quand donc finira,
Agent d'Havas, cette grand-guerre ?
Et même si l'on reviendra
Ce qui n'est petite affaire ?

Dis, combien coûtent les faveurs
De ces garces de Dardanelles ?
Et dis, si blanches sont leurs fleurs ?
Ou bien encore l'auraient-elles ?

Mais Dyssord irons-nous au Bois?
Et dis-moi comme en va Le Prêtre ?
Lauriers sont verts, finis les froids
Écris-moi souvent de tes lettres.

 

 



 

 

 

 

J'ai reçu d'un seul coup les roses de Sâdi
Un baiser d'Hespéride avec le zest candi
La goyave m'a dit le chant de la Sirène
Qui s'en vint de Floride échouer noire et naine
Dans la rue à Billy très bien dite de Seine
Dans la sacoche droite à ma selle j'ai mis
Le papier pavoisé pour écrire aux amis
Le jour où nous mettrons au trot à contrepente
En batterie et pointerons qu'il pleuve ou vente
                  Au collimateur
Merci ma chère amie et gardez cette fleur

 

 



 

 

 

Le calendrier pudique
ou
Les colis pour nos soldats

 

Au brigadier KoStrowitzky
Pour fêter Saint Apollinaire
Et l'Anisette et le whisky
Allaient, l'allure militaire
Accompagnés d'un bel œillet
Et d'un calendrier de guerre
Il fit chaud (on est en juillet)
L'œillet de l'œil se mit à faire
A l'Anisette... et le whisky
En fit autant à la commère.

Alors l'Almanach vit ce qui
Ne se voit pas à l'ordinaire
Une belle entre deux amants
Quel sandwich extraordinaire
Quel  spectacle des plus charmants.

L'Almanach se mit en colère
Brisa d'un coup les deux flacons
Et d'Alcools il n'en resta guère
Fleur, Almanach, comme deux cons
Reniflent les débris de verre
Pour calmer leur émotion...
Mais merci de toute manière
Pour la gentille intention.
Car, après tout, dans cette affaire
De colis en mauvais état,
Une ceinture reste entière
De chasteté qui tant coûta
A ton Guillaume Apollinaire.

 

 



 

 

 

La madeleine corse était bonne à manger
Je me souviens du temps où j'en mangeais à Nîmes
Et l'on ne saurait pas, vieux, assez t'engager
A m'envoyer encor de ces marrons optimes

Qui réduits en purée honorent fort Privas.
La saucisse était bonne, à dix nous en mangeâmes.
Des bagues que je fais, m'as-tu dis, tu rêvas
Mande-moi ta mesure... Antan, où sont les femmes ?

Voici que vient l'hiver, et toi, l'an, tu t'en vas !...
Ma bague emportera du front jusqu'à Lodève
Mon cher ami Toussaint la pâleur de mon rêve.

 

 



 

 

 

Mes souhaits pour 1917

ou Réponse à l'Odelette que m'a envoyée Frit Vanderpyl, le 30 décembre 1916.

 

Tu donnerais beaucoup pour t'appeler Durand
Et tu l'écris à moi qui sors tout droit du rang,
Mais Durand est partout, le sais-tu, Fritz? durant
Que la guerre ici-bas chemine perdurant;
Sais-tu que le courage, eh bien! vieux, c'est du cran
Et que les profiteurs touchent le sou du franc,
Que la merde, elle-même, ô mon Fritz, c'est du bran?
Mets-y la main et que ton nez soit endurant
Afin que l'an qui vient ne te soit pas dur an.

 

 



 

 

 

A Jean Cocteau...

 

L'Egyptiaque petit dieu
Qu’à ma femme vous envoyâtes
Se dresse à présent au milieu
Des dieux nègres et leurs cantates

Muettes s'élèvent en chœur
Je les entends j'ai fine oreille
Ce chœur des dieux touche mon cœur
Je veux le transcrire à merveille

Mon cher Cocteau venez me voir
C'est maintenant aux Colonies
J'y suis le matin et le soir
Protégé par les dieux de mes Mauritanies

Et que vous dirais-je de plus
Vous me lirez l'hiéroglyphe
Et les deux A que j'ai bien lus
Dont les épaules il s'attife

Nous parlerons de vos projets
De l'Egypte ou bien de l'Asie
Et de tous les dieux nos sujets
A nous rois de la poésie